jeudi 31 décembre 2009
mercredi 18 novembre 2009
mardi 17 novembre 2009
H1N1 mon amour
Et voilà que je me réveille jeudi matin avec un mal à la gorge certain. Je sors prendre le bus, et mes jambes commencent à me faire défaut. Mais qu'est-ce ? je frissonne ? j'ai mal partout ? et voilà. Au pieu. Il a tout de même bien fallu que je m'en sorte pour aller passer mon dernier exam de maths jeudi soir, dans un brouillard fiévreux. Vendredi matin, ma radio se met en marche, le dernier nombre de morts de la grippe en BC est annoncé et longuement discuté. Brusquement, ça ne m'indigne plus tant que ça, je tends une oreille inquiète. En me couchant le soir, j'appelle R. : "tu gardes ton téléphone à côté de toi cette nuit, hein ? Au cas où j'aie un problème, il faut que je puisse appeler quelqu'un ! Veux pas mourir toute seule sur la Vingtième Avenue !"
Et c'est moi maintenant que les gens regardent de travers dans la rue. Si je tousse brièvement, si j'ai le cran de me moucher en public, voilà des regards acérés, des coups d'oeil en coin, et une désapprobation muette : "Nous contamine pas, toi ! Rentre chez toi !" A la fac, même son de cloche : "Vous les grippeux, restez chez vous ! Ne vous déplacez pas."
Au moins j'ai économisé l'argent du vaccin. Toujours ça de pris. Mais je ne pensais pas que l'anniversaire de ma première année canadienne se déroulerait sous de tels auspices...
jeudi 8 octobre 2009
Bis repetita
Du coin de l'oeil, je vois arriver tout lentement un petit pépé à casquette. Il avance, il avance, il avance. Jusqu'au moment où il se tient littéralement à trente centimètres de mon visage. Je recule un peu la tête et lève les yeux. Il hurle, avec un grand sourire: "Do you go to that church here?"
mercredi 7 octobre 2009
Ma nouvelle drogue
jeudi 1 octobre 2009
Mon aimant à fanatiques
mercredi 30 septembre 2009
Le dilemme du poulet KFC
Mais voilà que depuis dimanche soir, ma propriétaire, une Japonaise adorable qui loge au rez-de-chaussée, m'apporte rituellement ceci :
Oui, une assiette de poulet KFC. Ce soir, je suis rentrée de cours à 22h30 passées... A peine cinq minutes après, j'entends un toquement délicat à ma porte. J'ouvre et me trouve nez-à-nez avec le poulet odorant. "Oh my god, you're so nice! But it's too much, I can't eat all that! you're so sweet!" Quoi dire, quoi faire ? Comme je n'aime pas trop gâcher les aliments, les soirs précédents j'avais entrepris d'éplucher le poulet de toute sa friture et de planquer celle-ci bien au fond de la poubelle. Cela dit, on se rend compte comme ça que le poulet KFC sans le graillou tout autour, en gros, c'est du carton. Mais franchement, revenu à la poele avec des oignons, des courgettes et des mini aubergines locales, ça passe...
mardi 22 septembre 2009
Quand y en a plus, y en a encore (parlant des évangélistes)
vendredi 11 septembre 2009
Chez moi ? on croise les doigts...
mardi 8 septembre 2009
Retour à Vancouver
Jeudi matin, levée avant 6 heures. Les gestes machinaux, le sac-à-dos bien attaché, un dernier trajet en RER. Premier avion pour Amsterdam, je fais le plein de journaux, j’achète Alternatives Economiques et Glamour. Parce que quand même, il faut un peu d’équilibre dans cette vie. Le petit-déjeuner dans l’avion est frugal, mais cet étrange fromage fumé hollandais me plaît bien. Cinq heures d’attente à l’aéroport, de quoi me prendre un grand café et de lire, d’écrire un peu aussi. J’aurais bien voulu faire la sieste, mais aucun lieu ne s’y prête vraiment. Je regarde avec envie un monsieur à barbiche somnoler sur la chaise à côté, le menton sur la poitrine. Il a l’air de dormir vraiment. Je me demande comment il fait.
Je repasse les portiques de sécurité. J’en ai un peu marre de sortir à chaque fois mon ordinateur portable. La place dans mon sac à main est plus que limitée, c’est une belle organisation que de faire tenir tout cela. Je me retrouve toujours accroupie derrière les moniteurs pour réorganiser tout ce fatras. Et puis je finis par m’installer. Neuf heures et quelque de vol. J’ai regardé des films, somnolé un peu. Même pas le temps de lire Glamour. Petit à petit, la joie s’installe. L’euphorie. Rentrer. Cette fois, je ne me suis pas fait avoir : j’ai doublé un max de gens à la sortie de l’avion pour ne pas faire la queue une heure à l’immigration. Questions habituelles : que faites-vous ici ? qu’étudiez-vous ? pourquoi avez-vous quitté le Canada ? Bouledogue. Petite excitation futile de l’arrivée : je peux tester la nouvelle ligne de SkyTrain, qui va m’emmener directement chez Raphaël qui m’héberge pour quelques jours. Finie, l’heure pénible de bus qui se traîne. En centre-ville en quinze minutes. A peine arrivée, je me suis effondrée sur le canapé. J’étais levée depuis plus de vingt heures.
lundi 10 août 2009
jeudi 30 juillet 2009
Dernière soirée
mercredi 29 juillet 2009
L'autre côté
Dans ce paysage de misère, dans ce bus étrange, je me suis rendue compte avec un certain amusement que la seule femme habillée avec une certaine coquetterie était en fait… un homme. Asiatique, les cheveux mi-longs lui tombaient sur les épaules. Elle portait une jupe verte étroite et un joli haut à rayures rose pâle qui lui dénudait les épaules. Dans le pli du coude, son sac à main. Elle est montée dans le bus avec un large sourire, gratifiant le chauffeur d’un « Hi honey ! » joyeux. Son rire était incroyablement contagieux et ressemblait un peu à une chute de xylophone… Moi j’étais assise tout à l’arrière, à côté des portes. Une grande femme très maigre est venue s’asseoir à côté de moi. Elle portait un large t-shirt noir et un short très court. Traits marqués, visage en ruines. Elle me touche le bras : « Did you see that boy ? Just got off… Did you see how he was looking at you ? » Moi je n’avais rien vu, trop occupée à observer l’extérieur. « Ya know, I don’t like it when people look like that. I don’t like the way he was lookin’ at you. That’s not polite. This boy, he was not a gentleman. Nope. Not a gentleman. He can’t look at you like you’re just a thing ya know, he can’t do that. » Nous avons parlé quelques instants, puis elle s’est levée pour descendre à l’arrêt suivant, tout comme la femme asiatique que j’ai entendu lancer à un homme assis plus à l’avant : « Well, honey, that’s my life ! » Elle s’est approchée des portes arrière et s’est exclamé en rigolant, ses yeux pétillants plantés dans les miens et remontant sa petite poitrine : « What a heat ! My silicone’s melting ! » J’ai éclaté de rire, elle plus encore, puis elle m’a fait un petit signe de la main en descendant : « Bye love… »
mardi 28 juillet 2009
Sacs, sacs, sacs
mardi 21 juillet 2009
Ma vie avec une évangéliste
J’en parle souvent, je m’en plains souvent, je sais, mais dans mes bons moments, j’arrive à trouver ma vie avec une évangéliste plutôt drôle. Même si, dans le fond, tout cela reste plutôt inquiétant. Vraiment inquiétant. Je ne sais même pas par où commencer…
Il y a eu les séances cinéma avec ses amies, visionnage de documentaires sur l’évangélisation des petits Africains (les « païens », selon ses termes), et Dieu qui doit venir les sauver de leur violence naturelle, les ramener dans la voie de la paix et de la foi. A côté de ce genre de propos et d’idées, les débats bibliques entre amies sur tel ou tel verset me paraissent plutôt bon enfant.
Régulièrement, elle essaye de me persuader d’aller à l’église avec elle. L’idée est la suivante : c’est Dieu qui m’a envoyée à elle, qui a fait en sorte que je trouve cet appartement. La fin du monde est proche et le Seigneur rassemble ses troupes, si j’habite ici, c’est qu’il veut que je revienne dans son giron, parmi ses enfants. Car Dieu m’aime, paraît-il. Il m’aime tellement ! Elle me l’a encore répété tout à l’heure. Avec grands mouvements de bras et sourire lumineux/illuminé.
En ce moment, elle ne travaille pas. Elle est « en prière ». Moi j’appelle ça glander : elle reste dans son lit à lire la Bible, mange, dort, appelle ses amies. Elle marmonne. Elle prie dans « une langue qui n’existe pas », dont elle dit ne pas comprendre le sens, mais qui lui est insufflé par l’esprit divin. Vous vous souvenez des scènes rituelles dans Indiana Jones et le Temple maudit ? Pareil. Je l’ai entendue raconter à une amie qu’elle attendait un signe de Dieu pour savoir si elle devait continuer à travailler ou pas. Je trouve ça plutôt sympa comme situation, je suis certaine que tout le monde aimerait pouvoir attendre un signe divin et se tourner les pouces dans l’intervalle.
Il n’y a pas longtemps, elle était amoureuse. Mille et une questions se posaient sur le niveau de spiritualité de l’homme en question, car évidemment, il faut que les niveaux soient compatibles… C’est là que certains livres sont absolument indispensables, tel le désormais fameux God’s Design for Christian Dating. C’est un peu Mars et Vénus sous la couette, sans la couette.
Mais ce week-end, ce fut la catastrophe. Je n’ai pas encore tous les détails de l’affaire, mais toujours est-il que lorsque je suis rentrée samedi soir, elle était en train de se balancer dans son lit et répétait sans fin « Jesus save me, Jesus save me ». Le lendemain, elle m’a expliqué que Dieu lui avait montré que cet homme n’était pas pour elle, et que ses sentiments lui étaient donc inspirés par le Diable. C’est ballot quand même.
Et cet après-midi, rentrée malheureusement un peu plus tôt que prévu, je l’ai surprise, la musique à fond, plantée au milieu du salon, les bras levés, et hurlant (littéralement) « Praise for Jesus ! Praise for Jesus ! ». Je l’entendais depuis le couloir, dès ma sortie de l’ascenseur.
Plongée intéressante dans le monde du fanatisme. Heureusement pour moi que je suis têtue : ça a parfois ses avantages.
jeudi 9 juillet 2009
Le bonheur de la photo
Aujourd'hui je suis repartie marcher un long moment dans Lynn Park, en prenant des chemins différents de ceux empruntés lundi. J'ai grimpé vers le sommet, puis suis revenue dans la boucle du Cedars Mill Trail, à couvert, comme toujours. Ces forêts ont quelque chose de démesuré, d'irréel, d'inquiétant parfois... Les arbres semblent d'une hauteur infinie, d'immenses souches trônent à tout endroit, les troncs abattus dessinent des lignes géométriques étonnantes. Ce sont les formes que je regarde ici sans m'en lasser.
mardi 7 juillet 2009
Lynn Headwaters Regional Park
samedi 4 juillet 2009
A pied, et ça n'est que le début
vendredi 3 juillet 2009
Retour sur Terre
mercredi 3 juin 2009
Pas le temps, pas le temps
Emergency management à l'américaine
dimanche 17 mai 2009
Entre chien et ours
Le reste de la marche fut plus paisible, de petit sentier en crique déserte... jusqu'à midi du moins, lorsque les chemins se sont mis à grouiller de familles venues pic-niquer au bord de l'eau. Mais dans les voies de traverses, pas grand monde, et des arbres absolument gigantesques devant lesquels on se sent tout petit - c'est-à-dire encore plus que d'habitude, en ce qui me concerne.
samedi 16 mai 2009
Préparatifs
dimanche 10 mai 2009
Apprendre à mieux regarder
J'ai continué ma promenade autour de Stanley Park - ou plutôt ma course : j'avais décidé de faire le tour le plus vite possible, 12 ou 13 kilomètres au total, en 1h30, pour oublier les maths, l'éco, et me défouler copieusement. Bien sûr, on a l'habitude, je me suis fait des ampoules.
Vers la fin du parcours, un homme tout maigre aux cheveux longs et chapeau mou retenu par un cordon était en train de terminer une installation étrange... et toute poétique. La plage était couverte de ces bonshommes de pierre qui semblaient tenir comme par magie, en équilibre parfait face à la mer.
vendredi 8 mai 2009
Chut
Ce soir, pour célébrer le soleil et la plage, je me suis acheté une bouteille de vin. Ensuite, je suis ressortie chercher un tire-bouchon.
mercredi 6 mai 2009
Petit bonheur
Ce soir, quelque vingt ans et des poussières plus tard, je suis donc bien fière de moi... et un pied-de-nez à tous ceux que l'idée de me voir reprendre une calculatrice faisait doucement rigoler ! Comme quoi, les miracles, ça existe.
samedi 2 mai 2009
Dans la rue
Un peu plus loin, c'est un rasta hilare. Il zigzague sur son vélo décoré de fleurs et de branchages et diffuse dans son sillage une senteur épicée peu équivoque. Il est parfois mauvais pour la santé d'arpenter les rues de Vancouver.
Les Canucks continuent de gagner.
Températures estivales. Aux alentours de ma nouvelle maison, les filles se promènent en très mini shorts et les garçons paradent torse nu. La plage est juste à côté.
Il est cinq heures du matin. Par ma fenêtre je regarde le soleil se lever sur la montagne. C'est l'un de ces rares moments de magie qui me font aujourd'hui bénir mes insomnies.
mercredi 29 avril 2009
Bits and pieces
vendredi 24 avril 2009
Welcome to China
mercredi 22 avril 2009
Go Canucks, go !
Il y a deux semaines environ, Anne et moi avons été regarder un match dans l'un des pubs du centre-ville. Accoudées au bar, bien sûr nous avons passé plus de temps à papoter qu'à réellement regarder les écrans au-dessus de nous. Mais plusieurs événements nous ont néanmoins fait nous interroger : c'est qu'ils passent leur temps à se taper sur la figure, ces gars-là... Et le plus étrange est que généralement l'arbitre se tient juste à côté et les regarde faire tranquillement. Au bout d'un moment tout de même j'ai fait signe au barman et je lui ai demandé quelques explications sur ce phénomène étrange... C'est ainsi que nous avons appris que les bagarres sont tout à fait autorisées sur la glace, avec quelques règles – il y a quand même des limites, en dépit des apparences, ouf. « C'est ça qui est drôle », m'a dit le grand type derrière le comptoir, « ça pimente un peu le match ! » Pour résumer, les bagarres sont donc institutionnalisées, elles font même partie d'une certaine stratégie de déstabilisation de l'adversaire (on s'en serait douté), à condition que les messieurs impliqués jettent leur crosse au loin et se défassent de leurs gants avant de se cogner dessus. Et la chose dure jusqu'à ce que l'un d'eux tombe. Car on ne frappe pas un homme à terre, code de l'honneur oblige.
La semaine dernière, j'écoutais la radio. Des élections sont à venir au mois de mai en Colombie Britannique et tous les journalistes qui suivent la campagne se désespèrent de constater que les citoyens se sentent bien plus préoccupés par le hockey que par la politique. Tout le monde s'en fiche. Mais comment combattre cela lorsque même les bus affichent « Go Canucks, Go ! » là où figure normalement le numéro de la ligne et la destination, lorsque les voitures, les camions arborent des drapeaux Canucks, lorsque les bars s'y mettent également... Dans la rue, je ne compte plus les fans arborant les t-shirts – filles comprises – et mon prof de maths lundi a commencé son cours, le tout premier, en récapitulant les scores. Hier soir, en cours d'économie, certains avaient leur ordinateur portable connecté sur le match, d'autres suivaient les scores sur leur téléphone, et d'autres encore se sont carrément éclipsés périodiquement pour aller jeter un œil sur les écrans du pub du campus.
Bref, je me sens un peu dépassée. Et de plus, comme le résume très bien Anne avec beaucoup de philosophie : ils ne sont même pas beaux.
vendredi 17 avril 2009
Mais parfois, le temps s'arrête
Un souvenir néanmoins n'a rien perdu de sa force, et je doute qu'il se fane un jour : la seconde où j'ai poussé la lourde porte de l'église jésuite qui jouxte l'université... Je n'arrive pas à me défaire de cette réaction incontrôlable qui me fait parfois fondre en larmes face à trop de beauté. C'est une chose rare, la première fois ce fut lors de la projection d'un film de Cocteau au Grand Théâtre de Bordeaux, puis il y eut la Traviata, les suites pour violoncelle de Bach, la lecture de L'Amour des Maytree d'Annie Dillard l'année dernière. Et l'église de Cordoba. Je ne peux l'expliquer. Ce fut immédiat. Quel phénomène étrange : y repenser simplement pour l'écrire me fait revenir les larmes aux yeux. Je ne saurais dire ce qui m'a ainsi bouleversée, est-ce l'espace immense dénué de colonnes, les plafonds en bois peint et orné de volutes délicates, l'immense autel aux statues si humaines et expressives ? Trouver une explication rationnelle me paraît futile, inutile, hors de propos. L'heure que j'ai passée ainsi, à contempler les moindres détails, à laisser toutes les émotions s'échapper librement de moi, cette heure à elle seule aurait donné toutes ses raisons d'être à mon voyage... Elle ne fut pas seule heureusement, loin de là, mais elle prend une place toute particulière, comme hors du temps, une réconciliation avec la possibilité de la beauté absolue du monde.
Et pourtant, tant de souffrances sont nées de la construction de cette église, je le sais. Elle fut conçue par un Français, non pas un religieux, non pas un architecte, mais un armateur. Que faisait-il à Cordoba, personne ne le sait. La voûte et le dôme sont en bois massif, comme toutes les décorations qui ornent l'église, le pupitre, l'autel, les statues. Mais il n'y a pas de bois aux environs de la ville. Il n'y en a jamais eu. Les Jésuites sont allés chercher les troncs dans les forêts de la région d'Iguazu, à des centaines de kilomètres de là. Le bois descendit par la rivière jusqu'à Santa Fe, puis fut transporté à dos de mules pour rejoindre le chantier. Des esclaves venus d'Afrique étaient chargés du gros œuvre, tandis que tous les ornements intérieurs, retables, peintures, statues furent réalisés dans les missions au Nord par les Indiens guaranis avant de venir prendre leur place. Et comme souvent en Amérique latine, ils mélangèrent leurs propres croyances à la représentation des scènes chrétiennes qui leur étaient commandées. Dans une petite chapelle sur le côté se trouve la statue d'une Marie-Madeleine à la peau rose, aux lèvres entrouvertes, les yeux brillants, elle tend une main délicate vers celui qui la regarde. Elle est d'une intensité humaine rare. J'ai eu bien du mal à m'arracher à sa contemplation.
Et sur ce, Argentine, fin.
mardi 7 avril 2009
L'incident du maté
Dès avant mon départ pour Buenos Aires, je rêvai donc au maté. A peine arrivée au Gecko Hostel, toute dégoulinante de pluie, j'ai bien sûr remarqué sur le comptoir de la réception la bouteille Thermos et la gourde qui la jouxtait. Le mythe était bien réel. Partout, dans la rue, accroupis sur les marches des immeubles, dans les boutiques, discrètement installés dans un coin, tout le monde sirote son maté.
Le dimanche à San Telmo j'ai recroisé Juliette et Benoît sur le marché. En milieu d'après-midi, l'estomac creux, nous sommes partis déjeuner dans l'une des petites rues ombragées et calmes qui jouxtait ce quartier surpeuplé. Après nos salades respectives nous a pris l'envie de goûter enfin à la chose... Première fois pour chacun d'entre nous. Et nous avons frôlé l'incident diplomatique. Le propriétaire de la boutique-restaurant était un homme à l'affabilité antique, soucieux à l'extrême du bien-être de ses clients, délicat et prévenant. Mais le pauvre n'avait pas anticipé notre ignorance absolue... Nous commandons donc notre maté, un pour trois. Il nous apporte bientôt la Thermos et la gourde emplie de l'herbe. A côté, il pose la bombilla. Puis s'esquive à pas légers. Nous nous regardons, ne sachant pas trop comment procéder. Alors nous versons l'eau dans la gourde. Puis, question bête : et maintenant, on plonge la bombilla dans la mixture ? Ce fut ce moment-là que choisit notre hôte pour revenir s'assurer que tout allait bien. Son regard se figea sur le maté. Diable. Qu'avions-nous fait ?
Bien sûr, comme tous ceux qui reviennent d'Argentine, j'ai ramené ma propre petite calebasse, cadeau délicat de mes amis pour mon anniversaire. Elle n'a pas encore servi... J'attends d'être enfin installée dans mon nouveau chez-moi le mois prochain pour l'étrenner. Du maté argentin siroté sur mon lit en regardant la montagne par la fenêtre, que rêver de mieux ?
mardi 31 mars 2009
Parenthèse : BookTravellers Inc.
Tango
En haut des marches, il faut pousser les portes à droite. La musique est déjà là. La pièce est immense, le plafond à des mètres de hauteur. Lumières tamisées, rougeoyantes et douces autour du bar au fond. Sur les côtés, petits canapés et fauteuils dépareillés autour de tables basses. Entre le bar et la piste de danse sont alignées tables et chaises en tous genres. Les murs sont couverts de tableaux, photos, objets divers et variés. Joyeux bric-à-brac plein de chaleur. Nous nous installons, commandons un verre, et nous laissons très vite happer par le spectacle de la fin du cours. Puis chacun peut aller danser, et cela devient magique. Il se dégage de certains couples une puissance, un bouillonnement d'énergie pourtant tout en retenue qui me surprennent totalement. Fusion des contraires, tension vive, dialogue parfois insoutenable entre l'un et l'autre me semble-t-il... Je n'y connais rien, je n'y comprends rien, je ne peux que ressentir le flot d'émotions intenses qui m'assaillent. J'observe quelques-uns des visages qui expriment une concentration absolue, une profondeur, une vertigineuse descente en soi-même, une forme de soumission à la moindre sensation, au moindre geste ou tressaillement. Comme si le plus minuscule des mouvements avait le pouvoir d'ébranler le monde.
Le soir de mon anniversaire, je suis revenue à La Catedral avec Cathal et Amanda. Nouvel émerveillement. Après la première milonga, deux guitaristes ont pris possession de la scène. Puis un homme les a rejoints au chant. Personne ici n'est professionnel. La passion est leur seul moteur. Je repère certains danseurs que j'avais vus la première fois. Tous sont jeunes. Je ne peux m'empêcher de penser que le tango est une danse verticale, et non pas horizontale. Le déplacement lui-même me paraît accessoire, la tension, le mouvement réel est ailleurs, profondément ancré dans le sol. La dureté, la violence que je percevais jusque-là sont-elles l'expression de la douleur de ce rapport conflictuel à la terre et à l'autre ? J'aurais pu rester des heures et des heures à les regarder.
A Cordoba, enfin, j'ai pu prendre un cours... Franca, Koon, Pete et moi nous sommes mélangés à un groupe aux niveaux variés, dans un autre lieu merveilleux – et caché lui aussi derrière une façade peu avenante. Deux heures sur la piste, à tenter de mettre bout à bout les sensations et les pas. Étrangement, beaucoup de choses me semblent naturelles. J'aime aussi passer du temps à regarder le professeur diriger un couple très jeune et déjà impressionnant. Comment enseigner la retenue et la tension ? Comment parviennent-ils à conjuguer une tension extrême du corps à une telle fluidité ? C'est un mystère qui désormais m'attire plus que tout.
samedi 28 mars 2009
Histoires de bus
A Córdoba, je suis vite devenue une habituée de la station des mini-bus qui permettent d'aller se promener aux alentours de la ville... Première excursion à Villa Carlos Paz. Tous les bus ont les rideaux tirés pour protéger du soleil, je repousse un peu le mien pour regarder les paysages. Córdoba est en plaine, mais les collines puis les montagnes ne sont pas si loin. Carlos Paz est derrière la première rangée de monts râpés, à la végétation courte et rare. Sorte de station balnéaire étrange au bord d'un lac dépourvu de plages. Ce que les locaux appellent « playa » sont les sortes de restaurants aménagés au bord de l'eau et offrant une piscine qui vous ferait presque croire que vous vous baignez dans le lac. Le mini-bus fonce dans les descentes. Ou plutôt, le bruit du moteur et les vibrations sont telles qu'on croit aller à toute vitesse. Mais en fait, non.
Au fur et à mesure que nous nous enfonçons, je vois de plus en plus de cavaliers, montés sur les imposantes selles argentines, ornées de métal ou de tissus colorés. A Villa General Belgrano, il faut prendre un autre bus. Cela fait déjà deux heures que je suis en route. Le trajet semble ne pas avoir de fin. Le second autocar est bien moins fringuant que le premier, il s'élance sur une route loin d'être terminée. Pour le moment ce ne sont que des bosses et des virages aigus. Une heure et demie de progression laborieuse et lente. La Cumbrecita enfin. J'ai à peine quatre heures devant moi si je veux pouvoir rentrer à Córdoba le soir. Je pars marcher, au milieu des chalets suisses... La Cumbrecita est un ancien village allemand, on s'y croirait. Les restaurants touristiques en bas proposent choucroute, forêt noire et autres plats typiques. Étrange. Je monte, quitte les sentiers trop courus, prends un petit chemin qui mène jusqu'à une cascade sublime. Restée là une heure à regarder l'eau tomber, je finis par discuter avec une femme assise un peu plus loin. Mon espagnol trébuche encore un peu, trop à mon goût bien sûr. Mais je parviens néanmoins à m'exprimer à peu près et à comprendre ce que l'on me dit. Il faut déjà partir. Je n'ai pas mon billet de retour, il faut l'acheter au conducteur. Il a l'air pressé, je suis la dernière à monter dans le bus, et il se met immédiatement en route... La porte est ouverte car il n'y a pas d'air climatisé. Je suis devant le marche-pied, accrochée comme je peux, tandis que le chauffeur tient son volant de la main droite et de la gauche imprime mon ticket puis fouille dans sa portière et sa poche pour me rendre la monnaie. La route caillouteuse et irrégulière remonte le long de la montagne, elle tressaute et tourne dans tous les sens. Le regard du conducteur va de sa main gauche au prochain virage. Je sens l'air dans mon dos. J'ai un peu peur de me retrouver dans le fossé, soit toute seule, soit avec le bus tout entier, étant donné la situation. Enfin, je récupère mes pièces et vais m'asseoir. C'est mieux comme ça.
Samedi, direction Mayu Sumaj, bout de plage entre les cailloux sur la rivière. Il n'y a plus de place dans le mini-bus, je me retrouve assise à l'avant à côté du chauffeur. Ça me plaît.
Conversations de voyageurs
2. Aimee : « After Bolivia, believe me, your bowels will never be the same again. » Ici, on parle de diarrhée comme à la maison on discuterait travail : « Alors, c'était comment aujourd'hui ? » Amanda justement vient d'aller faire un tour à l'hôpital allemand de Buenos Aires, condamnée à boire du Gatorade et manger des crackers pendant deux jours.
3. Sujet essentiel en Amérique latine : la drogue. J'avoue, je me suis sentie incroyablement naïve et déconnectée de la réalité. Mes amis irlandais me racontent leurs trips à l'extasy, apparemment devenue monnaie courante à Dublin, anodine, dirait-ils presque. Nous sommes installés au bar de l'auberge, nous avons partagé notre dîner et buvons tranquillement une bouteille de vin argentin. Et peu à peu, je découvre que les uns et les autres ici carburent à la cocaïne. Thomas, baroudeur polonais qui a tout vu, tout parcouru et tout essayé, était devenu la figure phare de l'auberge. Un soir, tous sont sortis en club. Thomas et l'un des Colombiens sont partis chercher de la coke. Revenus en moins de cinq minutes. A Buenos Aires, la chose semble des plus simples. Au moment de repartir en Europe, il a laissé un gramme à Amanda en cadeau. Elle dit ne pas vouloir essayer. Je sens Cathal moins catégorique. Ce qu'ils en ont fait, je ne le sais pas.
A Córdoba, autre style : un soir, nous sommes tous assis dans le patio. Le Tango Hostel est en effervescence : ceux qui s'en occupent reçoivent un immense groupe de leurs amis. L'un d'entre eux s'avance vers nous, nous tend une feuille et nous propose de but en blanc une séance d'hallucinations collectives au « te mezcal ». Sur la feuille est expliqué le rituel, les vertus de la boisson, l'absence de danger – il est tout de même précisé qu'il faut apporter des vêtements de rechange, les plus amples possibles, et que les personnes anxieuses devraient s'abstenir. Sans parler des cardiaques. Personne n'a suivi.
lundi 16 mars 2009
Transports peu communs
Betise : prendre le bus pour traverser la ville de part en part, un vendredi soir a l'heure de pointe, et par 35 degres a l'ombre. La sueur du voisin vous coule sur le bras, les fenetres ouvertes accueillent toutes les emanations des pots d'echappement voisins. Les vehicules sur la route sont a touche touche, ce qui n'empeche personne de rouler a toute allure. Le bus ne fera pas exception. Le premier qui freine a perdu.
Hier soir, Juliette, Benoit et moi montons dans un taxi alpague au coin de la rue. Bientot nous nous agrippons ou nous pouvons, portieres, dossier du siege avant. Le chauffeur se faufile entre les voitures, double de tous les cotes, zigzague comme dans les meilleurs films. La ou le marquage au sol signale trois files de circulation, la realite fait place a quatre, voire cinq, voies simultanees. Les bus forcent le passage a droite, a gauche. Un coup d'accelerateur nerveux et le taxi reussit a passer - par l'operation du saint esprit. Les virages nous propulsent les uns contre les autres. Un coup de frein et je vois la mort arriver. Alors nous nous sommes mis a rire nerveusement, betement. Mais nous sommes arrives entiers.
C'est donc un lieu commun : ici, tout le monde roule comme s'il y avait une femme en train d'accoucher sur la banquette arriere. Pour traverser la route, le pieton doit aussi souvent ruser. Il faut en quelque sorte calculer le laps de temps minimal necessaire pour traverser entre deux voitures arrivant a fond la caisse. Si le conducteur estime que le pieton lui a grille la priorite - car c'est bien dans ce sens-la que les choses fonctionnent - il n'hesitera pas a klaxonner sauvagement, voire accelerer et se rapprocher le plus possible du coupable pour lui faire donner une bonne suee.
Ce soir je prends le bus de nuit pour Córdoba. Autre experience, je verrai bien.