mercredi 24 décembre 2008


La nuit dernière, il s'est remis à neiger et cela ne s'est pas arrêté depuis. La couche blanche sur le balcon ne cesse de s'épaissir. La ville ne possède aucun équipement pour gérer la situation : pas de chasse-neiges pour déblayer les routes, pas de graviers ou de sel à pulvériser sur les trottoirs. Vancouver est devenue un immense bourbier, un amas de gadoue neigeuse qui s'infiltre partout. Les voitures garées auprès des trottoirs ne sont plus que de vagues formes blanches, plus personne n'ose prendre le volant, de peur de rester sur le bas-côté dans un quartier indéfini de l'agglomération. Le SkyTrain va de déboire en déboire. J'ai appris à me résigner à l'attente, que ce soit sur le quai ou dans le train qui ne cesse de faire halte. Les wagons sont bondés, et lorsque l'on approche du centre-ville, plus personne ne peut monter à bord. Être loin du downtown est souvent un inconvénient, mais au moins je peux me faire une petite place entre les sièges. Ce matin, la tentation fut grande de rester à la maison. Depuis les fenêtres déjà je pouvais mesurer l'état de panique à l'extérieur. J'ai fini par sortir et fus bien surprise de trouver à 8h30 un métro qui semblait fonctionner à peu près normalement.
Après-midi, Kelley, notre professeur, est revenue en classe après la pause, nous annonçant qu'un arbre était tombé sur les voies à Nanaimo. Circulation totalement interrompue. Les bus se rendant habituellement à New Westminster, où j'habite, étaient détournés, faute de pouvoir faire l'ascension de la colline sur laquelle la ville est située. Une demi-heure plus tard, un autre professeur passa la tête dans l'entrebâillement de la porte : l'arbre ayant été dégagé, la situation avait repris son cours normal. La direction de l'école, néanmoins, décréta la fin des cours à 15h15, pour nous permettre de rentrer avant la tombée de la nuit. Yuko et moi nous sommes dirigées vers la station Waterfront, le terminus de la ligne, espérant ainsi pouvoir trouver une place assise. Arpenter les trottoirs est devenu un exercice périlleux : la neige amoncelée sur les toits tombe brusquement en gros paquets sur le bord de la route. Nous avons failli nous faire assommer à deux reprises. Une femme devant nous eut moins de chance et en fut toute sonnée. 15h45, nous avons pris place à bord du train. 16h45, nous n'avions pas bougé. 17h20, deux stations plus loin, nous partagions un chocolat fourré aux cranberries en nous souhaitant joyeux Noël. 17h50, enfin, du mouvement. 18h25, nous arrivions à Columbia Station, mortes de froid, priant pour que Lily ait abandonné l'idée d'aller chez son frère. Quand nous sommes arrivées à l'appartement, elle était en pyjama, un plateau de sushis sur le comptoir de la cuisine, du saucisson, du fromage et une bouteille de vin ouverte à côté. J'ai mangé du saucisson avec les baguettes, bu du vin rouge sur un maki aux œufs de cabillaud. Il neige encore. Joyeux Noël...

dimanche 21 décembre 2008

Tempête de neige à nouveau. Pas question que je mette le nez dehors. Lily a enfin mis le chauffage dans ma chambre. Je revis.

samedi 20 décembre 2008

Yuko a emménagé avec nous hier. Elle est japonaise. Était-il besoin de le préciser ? Cette rencontre me plaît. Depuis mon arrivée, c'est peut-être la toute première fois que je perçois la possibilité d'une communication véritable. Il y a là quelque chose qui circule, qui fonctionne ; la potentialité d'un quotidien agréable et drôle. Ce soir, nous avons disserté sur les mérites comparés des baguettes japonaises et coréennes. En bois, en métal, carrées, arrondies ou plates, lourdes ou légères... mon cerveau a dû faire place à un nouveau type de classification.
Vancouver décidément est tout aussi aguicheuse que pudique. Cette ville laisse entrevoir des douceurs, des lieux chargés d'énergie et de plaisirs, pour aussi vite les cacher à la vue. C'est probablement cela qui m'a tant attirée ici, tant charmée. Et frustrée par la même occasion. S'y promener, y vivre, deviennent comme un jeu permanent. Il faut accepter de passer des hautes tours vitrées du downtown aux murs de brique rouge de Gastown, des immeubles en ruines de Powell Street aux rues étroites de Chinatown, des anciens entrepots de Yaletown reconvertis en restaurants branchés aux petites échoppes en enfilade du côté d'English Bay. Il ne faut pas attendre qu'un quartier entier s'offre à vous, pas d'immense révélation, pas d'espace ouvertement fascinant, le promeneur doit apprendre à piocher ici ou là, à laisser errer son regard, à mettre des points sur une carte imaginaire... et peu à peu il recomposera la ville, sa ville personnelle et intime, faite de ces petits lieux subrepticement découverts. Loin d'être figée sous le poids de ses façades, Vancouver est mouvante, ne se laisse appréhender qu'à la manière du jardin secret des livres d'enfants : on pousse une porte que l'on n'avait vue jusque-là, et voilà tout un nouveau monde qui s'ouvre. Magique.

Nuit d'insomnie, tout au fond de mon lit avec ma polaire, une main sortie des draps, juste ce qu'il faut pour tenir le livre droit. Il fait très froid dans ma chambre ces temps-ci, les températures extérieures ont chuté ces derniers jours et les Vancouverois n'en reviennent toujours pas. Eux qui ont l'habitude de passer tout l'hiver à 5 degrés sont tout déboussolés par ces -5 à -15 qui sont devenus la norme depuis une semaine. La neige les panique, tout est paralysé. Même le fleuve derrière chez moi est paraît-il en train de geler.

vendredi 19 décembre 2008

Today's « Why the hell do people do those things ? »
Walk around wearing Santa's red and white fluffy cap. On kids, it's cute. On grown-ups, it's gross.
Wear shorts when it's freaking cold. Wear a mini skirt when it's freaking cold.
Buy - and eat - smoked salmon marinated in maple syrup and cinnamon.
In the book I borrowed from the library yesterday, I found a dead fly squashed between the pages. Who would do that ?

lundi 15 décembre 2008

Cherchez l'erreur.


Etant finalement assez douée avec les baguettes, j'ai gagné le respect de mes compagnons asiatiques. Aussitôt le premier plat arrivé sur la table samedi soir, tous les yeux se sont rivés sur moi. Ils ont attendu en silence. Ensuite, j'ai eu droit à mille félicitations. La deuxième partie du rituel d'intronisation fut plus douloureuse : boire un petit verre de soju cul sec. La troisième m'a achevée, mais je n'étais pas seule : Jin Koo a commandé un plat de poulet épicé qui nous a tous fait pleurer et hurler. Il a fini l'assiette seul, transpirant à grosses gouttes, de la buée sur ses lunettes.
J'ai encore beaucoup de choses à apprendre. Ainsi, au Japon est-il extrêmement impoli de demander son âge à quiconque. Promis, je ne ferai plus l'erreur. Cela dit, Tatsuya, Japonais lui-même pourtant, mais Japonais bourré ce soir-là, fut le premier à mettre les pieds dans le plat. Six fois de suite, il m'a demandé : « How old are you ? » Je n'ai compris que trop tard le tollé que sa question a provoqué à table. Yumi, assise à ma droite, m'a vivement attrapé le bras en me soufflant « You don't have to answer, you don't have to answer ! » pendant que Kohei essayait en vain de faire taire mon voisin de gauche, qui en était déjà à sa deuxième bouteille de soju et qui ne semblait pas vouloir s'arrêter en si bon chemin.
Lorsque nous sommes sortis du restaurant à 22 heures, de gros flocons avaient commencé à tomber sur la ville. Puis à notre sortie du bar à minuit, tout était blanc. J'ai dû courir sur la neige avec Yumi et Daiki pour ne pas rater le dernier SkyTrain. Mes vieux réflexes des glissades sur les trottoirs d'Oslo sont bien vite revenus. Les fous rires aussi. Ce fut une bien belle soirée. Ma première ici. Et qui sait, peut-être vais-je vraiment me mettre au japonais ?

dimanche 14 décembre 2008

La ville est blanche, les voitures glissent en bas des côtes. Les trams ont trop froid et ont baissé leurs antennes. Hier soir à minuit, des filles en débardeur lançaient des boules de neige aux garçons en glissant sur les trottoirs avec leurs talons hauts.



vendredi 12 décembre 2008

Version française : Geôrge « dabelyou » Bouche.
Version québécoise : Dgeooordge « doublevé » Bush.
Cherchez l'erreur.
Vivement Obama.
Takoyaki


jeudi 11 décembre 2008




Tous les matins, je remplis mon petit thermos de thé. J'adore. Ici, on a le droit d'avoir son gobelet en cours. Corollaire : on a aussi le droit de sortir faire pipi sans demander la permission.

mercredi 10 décembre 2008

Shohei est arrivé en cours avec deux tuperwares remplis de takoyaki. Deux tours de table et les boites lui sont revenues vides. Ce sera ma découverte culinaire de la semaine. Des petites boules faites de farine, de gingembre en poudre, d'oignons et de poulpe, recouvertes de sauce et de flocons de poisson séché, une spécialité d'Osaka. Discussion animée sur les gastronomies japonaises et coréennes, tout le monde s'enflamme, la prof et moi regardons tout cela d'un œil étonné. Je suis vraiment la seule ici à n'avoir jamais goûté au Soju coréen (alcool de bambou), ni à une autre boisson, japonaise cette fois, dont je n'ai pas réussi à retenir le nom... Je réalise que je suis la caution exotique de la classe. L'élément étrange qui ne connaît rien aux bonnes choses. Ils ont décidé de faire mon éducation. Je suis prête à boire du bambou, si cela permet de délier les langues...

Depuis le début de la semaine, chaque après-midi nous venons tour à tour présenter notre exposé. Le but : choisir un produit et étudier les possibilités de lancement dans deux pays différents ; analyse des situations politiques et économiques, point sur les risques courus et les bénéfices possibles. Aujourd'hui, c'était notamment au tour de Tatsuya. Tatsuya est japonais. Tatsuya ne rit jamais. Il est assis tout au bout du rang, dans le coin au fond à gauche. Il marche toujours très très vite, légèrement penché en avant, comme pour gagner du temps (pensez aux coureurs du cent mètres qui bombent le torse pour franchir la ligne avant les autres – Tatsuya, c'est la tête qu'il envoie d'abord). Très sérieusement donc, il a commencé sa présentation, faisant défiler ses planches powerpoint les unes après les autres. Pour marquer sa différence, il a choisi deux produits. Des bouteilles d'eau du mont Fuji d'un côté, et, de l'autre, nouvelle découverte, des colliers magnétiques supposés dénouer les dos tendus. Tatsuya lui-même est un adepte fervent de cette sorte de cordon épais qu'effectivement, il porte constamment. Le constat est dur : soit cette chose est totalement inefficace, soit ce pauvre Tatsuya ne doit pouvoir se mouvoir du tout en temps normal. Après un éloge nourri de l'objet, le voilà embarqué dans une série de calculs impossibles destinés à démontrer les avantages financiers qu'il y a à envoyer ces deux produits ensemble par voie marine, ponctuant chaque segment de phrase par un « SO ! » absolument terrifiant.
- SO ! It's ok if you SO ! do not understand everything SO ! I just explain SO not important but SO ! interesting for me...
Vingt minutes. Chacun hésite entre bâillement et fou rire. La prof reste d'un calme olympien, ponctuant chaque planche d'un « aha » aussi encourageant que déprimé.
Nous voici arrivés au moment de la présentation des deux pays, le cœur du sujet. Tuvalu et les îles Marshall. Régions pauvres parmi les plus pauvres. Ils n'ont pas d'eau potable, d'où l'utilité des bouteilles d'eau minérale du mont Fuji. Et ces îles risquent fort de disparaître d'ici quelques années, suite au réchauffement climatique. Donc leurs habitants sont stressés et auraient fort besoin de ces fameux colliers pour retrouver sérénité. Toujours avec le plus grand sérieux. Il y avait peut-être une caméra cachée.

mardi 9 décembre 2008

Larry King and the Osteens, CNN hier soir.
Un spectacle bien étrange, que de voir ainsi étalées, presque glorifiées les expressions béates d'un pasteur golden boy à la John John Kennedy accompagné de sa femme poupée Barbie, voix douce, brushing parfait, venus expliquer que Dieu nous a envoyé une épreuve pour tester notre foi, que seuls les plus fervents vaincront ces temps obscurs. Du pain bénit, la crise économique, en somme. Pour eux en tout cas, cela semble ne pas faire l'ombre d'un doute.
Ce pauvre Larry King, les yeux écarquillés, presque candide :
- What amount of money do you actually receive from the Church ?
Joel Osteen, sourire ultra-brite :
- Well, actually all the money that comes to the Church goes back to the Church. We receive no personnal benefit from our Church.
- Oh, really ? How do you, then... make a living ?
- Well, Larry, we write books, we've got two childrens' books coming out for Christmas for instance. And well, we have eh... a number of side income, personnal investments eh...
- Oh. (regard émerveillé, un peu sonné) I'm really stunned. I didn't expect that. I'm impressed, I have to say. Let's move back to the economic crisis then. What is your message to those who are deep in despair today ?
- Well, Larry...
Exemple de journalisme offensif à l'américaine ?


Le produit du jour, proposé par The American Historic Society : vous pouvez dès aujourd'hui vous procurer l'assiette de collection Barack Obama, avec son petit présentoir pour, à votre convenance, l'accrocher au mur ou la déposer sur votre plus beau buffet. En lettres d'or : The Change Has Come.
Je ne vous donnerai pas le prix. L'anniversaire de Pia approche.
Même les poussettes ont leur petit repose-gobelet pour cafés multiples. A quand sur les déambulateurs ?

samedi 6 décembre 2008

Accident de connexion hier soir, plus d'Internet à l'appartement... Ce matin, réveillée avec l'espoir que les choses se seraient magiquement rétablies au cours de la nuit, j'ai dû ravaler ma déception et affronter cette dure réalité. Je me sens coupée du monde, avec toujours une légère tendance à la dramatisation. J'ai donc emballé mon ordinateur dans trois sacs plastiques pour faire la nique à la pluie et j'ai filé en ville. Après avoir échoué à me connecter à la bibliothèque et chez Blentz Coffee (où la connexion coûte 10 dollars), me voilà chez Starbucks où j'écoute des Christmas Carrols en récupérant sur le net toutes les images dont j'ai besoin pour ma présentation powerpoint de lundi. C'est un peu glauque ici.

mercredi 3 décembre 2008

Un pas de plus, je crois. Ce soir, pour dîner, couteau et fourchette ont disparu, laissant toute latitude aux baguettes. Me voilà passée à un niveau supérieur d'assimilation culturelle... J'ai donc consciencieusement aspiré mes épaisses nouilles japonaises une à une – seule technique à peu près efficace – non sans projeter de la sauce soja de tous côtés, mais en essayant de faire en sorte que Lily ne remarque pas trop ma maladresse crasseuse. Heureusement pour moi, rentrée tard du cinéma, j'étais seule à la table du salon.

Durant la pause déjeuner à l'école – préfiguration peut-être du dîner qui m'attendait – l'ambiance était déjà très japonaise. Plus encore que d'habitude, pour être tout à fait juste. Nous avons regardé des combats de sumo sur l'ordinateur de Kohei. Avec commentaires et explications nourries. Eray s'est ensuite engouffré dans la thématique des traditions étranges venues d'ailleurs en nous connectant notamment sur le remake turc de E.T. Puis le remake turc de Spiderman. Puis le remake turc de Star Trek. Tout cela a bien plu à Kohei. Et moi, à la sortie des cours, j'ai filé acheter du thé avec Masako.

lundi 1 décembre 2008

Rectificatif

7 Japonais
2 Coréens
1 Turc
1 Française

Et dans les toilettes des filles, haut lieu de sociabilité s'il en est, j'ai fait la connaissance d'une Polonaise. La première chose que l'on dit ici à toute personne visiblement non-asiatique est : "Are you from Brazil ?" L'Europe est trop loin, on n'y pense même pas. Par contre, il y a effectivement une proportion intéressante d'étudiants brésiliens. Je n'ai pas vraiment réussi à comprendre pourquoi. Investigation à venir.

dimanche 30 novembre 2008

Le Canada est en crise... Il y a pénurie de pneus d'hiver, c'est grave, et voilà la grogne qui monte. Montrés du doigt, encore ces maudits Québécois qui ont voté une loi les imposant pour tous à partir du 15 décembre. Les fournisseurs nationaux n'arrivent plus à satisfaire la demande, particuliers et entreprises sont obligés de commander aux Etats-Unis. Ça va patiner sur les routes...
A Vancouver, les gens ne se sentent pas vraiment concernés, et la mode ici est aux bottes en caoutchouc. Avec ou sans grenouille au bout. Vendredi j'ai compris pourquoi. Il va falloir que je me résigne et que je fasse un minimum de shopping. En outre, qui dit pluie dit aussi brouillard. Et qui dit brouillard dit ferries qui klaxonnent sur le fleuve derrière chez moi à toute heure. Délicieux, le coup de corne de brume à deux heures du matin. Pittoresque, dit-on, je crois.

Ma première semaine de cours s'est terminée sur un constat peu glorieux : socialement, dans ma situation, la chose la plus sensée serait de me mettre à apprendre le japonais. Seule façon, je l'ai compris, de m'insérer dans ce groupe très fermé. Mais j'ai bien peur que mes trois mois de cours ne soient derrière moi depuis longtemps avant de pouvoir tenir une conversation digne de ce nom avec mes collègues. Tous mes espoirs extra-scolaires reposent donc maintenant sur la Turquie... Choc des cultures, je t'ai cherché, je t'ai trouvé. Et je ne désespère pas de creuser la question plus encore. Lily me donne elle aussi quelques indices. Une chose me semble déjà très nette : entre les Canadiens d'origine asiatique et les Asiatiques nouvellement arrivés, les relations sont bien ambigües. Voire tendues. Il suffit d'observer son froncement de nez dès qu'elle mentionne l'attitude des Coréens dans l'immeuble. Vérité générale en contexte d'immigration massive, je crois, mais j'étais bien loin de soupçonner l'étendue de ces dissensions. Elle est étrange, cette règle qui veut qu'à l'étranger, chaque nation tente de se replier sur elle-même – comme j'en fais le constat en cours. J'ai du mal à comprendre mais suis bien obligée de m'adapter, quitte à chercher par la suite des voies de contournement.
Pour compenser, je vais régulièrement m'enfoncer dans les gros fauteuils du Starbucks de New Westminster pour observer l'autochtone canadien, gobelet à la main, ordinateur sur la table. Gestion millimétrée des gestes nécessaires à leur bien-être. Aller-retours mesurés entre le café-choco-caramel et le cookie aux noix de pécan. Ils sont parfaits quant à la logistique, c'est certain.

mercredi 26 novembre 2008

Un problème inattendu... Dans les placards de Lily, il n'y a que des choses bizarres écrites en chinois ou japonais. Dans le frigo, des aliments peu orthodoxes, à l'allure très étrange et que je n'ai pas encore identifiés. En début de semaine, elle travaille jusqu'à 23 heures, et c'est à moi de plonger dans les réserves pour me préparer à manger. Mais quoi ? Comment ? Si j'ai un petit creux, même pas un bout de fromage à me mettre sous la dent. Je n'ose pas trop goûter ; sucré, salé ? Impossible de savoir... Alors je mange des pousses d'épinard et des carottes. Des pommes aussi. Et du gros pain tranché tout mou.
Le roi de cette cuisine, indéniablement, est le rice-cooker. Après de longes minutes d'observation minutieuse (les yeux plissés, le regard en coin comme dans le meilleur des westerns), hier soir je me suis lancée, avec l'angoisse de me retrouver à la rue si je venais à faire exploser la chose... Mais je pense l'avoir domptée. Et donc j'ai pu me remettre à manger des plats chauds ; ça tombe bien, j'ai attrapé le traditionnel rhume de bienvenue à Vancouver. Pourtant, le temps est magnifique, on voit même l'île de Vancouver au loin depuis les voies du SkyTrain. La montagne me fait de l'oeil.

J'écoute Radio Canada en buvant du vrai thé japonais que Lily vient de me préparer. Je ne suis pas encore venue à bout du Economist de la semaine. Je suis passée à Orwell, Burmese Days.

lundi 24 novembre 2008

Dépaysement.

5 Japonais
3 Coréens
1 Turc
1 Française

Premier cours : international financing planning. Je ne comprends pas grand chose de ce que dit la prof ; pratiquement rien de ce que disent les Coréens. Pour différentes raisons.
Je potasse The Economist pour essayer d'y voir plus clair. Sur ma table de chevet, Henry James, pour compenser.

dimanche 23 novembre 2008

Piscine et réflexions.

L'ascenseur de l'immeuble tinte à chaque étage. On l'entend du palier. Comme chez Glenn Close dans Damages. J'envisage de prendre les escaliers. Au moins pour descendre.

Des Coréens dans une piscine, ça fait le même bruit que des ninjas en plein combat. Surtout au moment de sortir de l'eau.

Dans un sauna scandinave, on fait bien attention à poser ses fesses sur la serviette pour ne pas se brûler. On reste cinq minutes et quand on sort, la tête qui tourne, on se dit que c'était trois minutes de trop.
Dans un sauna canadien, on se met le plus près possible des pierres. Au bout de quinze minutes, on se dit qu'il faudrait peut-être faire quelques pompes pour l'aider dans sa tâche. Au bout de trente-cinq minutes, enfin, une petite goutte vous roule dans le cou. Après quarante-cinq minutes, on sort, la tête qui tourne, et on se dit que c'était trois minutes de trop.


En balade.

"Less carbon, more karma." Un slogan pour je ne sais plus quelle chose à se mettre dans la bouche. M'a semblé très local, très typique. Ici, dans les rues, on a le choix : on peut manger - ou faire du yoga.

samedi 22 novembre 2008



Lily était au Japon le mois dernier, hier soir nous avons été récupérer l'un des deux énormes colis qu'elle s'était envoyés. Puis nous avons étalé sur la table tout ce qu'il contenait. Des biscuits au sésame noir, du riz, du poivre pimenté à l'orange, des bonbons étranges, du thé matcha, des cotons-tige noirs pour ne pas voir ce qu'il y a dessus... Et cette boîte : des gâteaux au camembert. Goût sucré en bouche, remontée de camembert dans les narines. J'ai hâte que la deuxième caisse arrive.

vendredi 21 novembre 2008

Dans cette ville, lorsqu'on a un visa de quatre mois, on peut demander un compte en banque, mais pas une carte de bibliothèque ordinaire. Il faut payer trente dollars pour un trimestre. Je suis partie un peu vexée, mais demain j'y retourne : Lily m'a prise en pitié et m'a prêté sa carte.
Je ne suis pas certaine d'être très crédible en « Lily Cheung ».

Les gens sont gentils. Derrick Gillissie, mon nouveau conseiller à la banque, sorte de gros poupon joufflu, n'arrête pas de ponctuer ses phrases ou mes réponses d'un « excelleeeeent ! » à la fois encourageant et doucereux. J'ai l'impression d'être un bébé à qui l'on apprend à assembler des cubes.

Après un grand tour dans le coeur historique de la ville, Gastown, complètement trempée, je me suis installée au Smart Mouth, qui arborait fièrement une gigantesque collection de cafés. J'ai commandé un expresso macchiato. Le patron, qui avait la carrure d'un All-Black et le sourire d'un dinosaure, m'a lancé un regard broussailleux en me demandant d'une voix tonitruante : « Macchiato macchiato ? Italian way ? ». Espérant aboutir à un compromis honorable entre la lavasse canadienne et la goutte sur-caféinée italienne, pour mon malheur j'ai répondu oui. Mais le compromis n'était pas là où je l'attendais. Résultat : une concentration en café qui donnerait de l'énergie à une troupe de khâgneux durant toute une année injectée dans une tasse remplie à ras-bord. La tasse n'était pas un mug, mais j'en ai encore le goût dans la bouche.

Extraits de télévision.
Hier soir, un téléfilm catastrophe. Dans la cuisine, la femme-flic pleine de courage interpelle son mari tout mou : « Kevin, this is an emergency, do you understand ? The city is being bombed by meteorites. You have to go back there and behave like a man. Do you think you can really turn your back on Tyler ? He's your best friend ! » Quelque temps plus tard, elle appelle ses supérieurs, totalement désespérée : « Tell me ! What is the protocol with meteorites ? I don't know how to face this ! »
En déjeunant à midi, j'ai tenté un tour d'horizon des 120 chaînes disponibles. J'ai fini par atterrir sur the Food channel, accrochée par un « Nothing beats cheddar cheese in a brocoli soup ! » à l'enthousiasme totalement communicatif. Après un « You know, condiments in general are a great way to add flesh to your cooking », ce présentateur survolté aux cheveux dans le vent s'est lancé dans la confection d'un dessert qui m'a coupé l'appétit. Mode d'emploi : tapisser les parois de petites caissettes à muffins de chocolat fondu et placer au réfrigérateur. Avec de grands mouvements de tête et un sourire ravageur, mixer du beurre de cacahuète, du cream cheese, du sucre et de l'extrait de vanille. Remplir les petits moules chocolatés de cette pâte engageante puis recouvrir d'une couche de chocolat fondu pour fermer hermétiquement la chose. Déguster en famille après la soupe de brocolis.

jeudi 20 novembre 2008

Evidemment, c'était absurde... et j'ai fini par comprendre la subtilité : le porte-clés un peu moche que Lily m'a donné hier est un pass magnétique, grand sésame de tout cet immeuble et objet qui manquait clairement à ma culture. Descendue au sous-sol, j'ai suivi les flèches vers le SkyTrain – même pas besoin de mettre le nez dehors, la station est juste en-dessous. Mini-train à deux wagons qui file sur des rails en hauteur ; il me faut une demi-heure pour arriver au centre-ville, juste le temps de regarder le paysage sous la pluie et les bourrasques. A chaque arrêt retentit un carillon qui ne me fera pas regretter l'affreux buzzer du métro parisien. Dans les escalators, tout le monde grimpe les marches au pas de course, et je me fonds dans le mouvement. Puis, une fois dehors, je deviens une machine à réfléchir à 45 degrés, droite gauche, droite gauche. Chacun a la capuche rabattue sur les yeux pour écarter le crachin insidieux qui fait la spécialité locale. Les nuages ont fini par se lever, au moment où la nuit est arrivée. J'ai repris le train en me trompant de ligne. Il y en a deux.
J'ai partagé l'ascenseur avec un monsieur en peignoir et maillot de bain tout dégoulinant qui diffusait une bonne odeur de chlore. La piscine, ça sera pour demain.
Hier soir, j'ai enfin pu ajouter une clé à mon trousseau. Pas très difficile en soi : il ne me restait que la clé de la valise, c'était bien mince. Mais je viens de me rendre compte il y a quelques minutes que ça n'était tout de même pas assez... J'ai voulu braver la pluie et le vent, prendre le Skytrain pour aller au centre-ville, pour réaliser brutalement que je n'avais pas la clé de la porte principale de l'immeuble. Je suis descendue, ai regardé partout. Aucune idée quant à la manière de revenir là une fois sortie. Il y a peut-être un code. En attendant, je suis prisonnière de ma tour. Pour me donner bonne conscience et bouger tout de même un peu, j'ai alors décidé de descendre à la salle de sport que Simone m'a fait visiter à mon arrivée – la piscine, ça serait pour plus tard. Mais il s'avère que là aussi, tout sera pour plus tard : je ne sais pas où se trouve le pass qui ouvre les portes des locaux... J'en suis réduite à regarder le mauvais temps par la fenêtre : il pleut-neige de manière étrange. J'écoute une des seules radios que j'arrive à capter pour l'instant. Bizarrement, c'est une radio québécoise et l'émission du moment est animée par un Camerounais au double accent très perturbant. Je trépigne un peu. Et j'ai fini mon bouquin. Va falloir ruser avec le temps...

mercredi 19 novembre 2008

Montreal - Winnipeg - Vancouver.
"Hello again ladies and gentlemen ! We wish to remind you that all Westjet flights are non-smoking. Anyone caught smoking in the lavatory during the flight will be asked to leave the plane immediately."

mardi 18 novembre 2008

Hier j'ai découvert une chose magique : je vais bientôt pouvoir écouter la matinale de France Inter à 22 heures... Quelle merveille, de pouvoir recevoir en exclusivité les informations du lendemain ! Les voix de Nicolas Demorand et Vincent Josse à l'heure du coucher...

Montréal en juin : sangria.
Montréal en novembre...
Je prends, depuis hier, la voie qui va me mener certainement à l'overdose de chocolat. Mais le magnésium est bon pour ce que j'ai, paraît-il, et dehors, il fait trop froid. Après avoir tourné en rond tout l'après-midi entre Berri-Uquam et Duluth, j'ai retrouvé Fabrice pour aller dîner rue Saint-Denis. Première étape de mon marathon sucré : le dessert fondant chocolat-caramel-fleur de sel. Une discussion qui fait du bien, et l'idée parfaite : on sort, on reprend l'attirail grand froid, direction le Mont-Royal, l'oratoire Saint-Joseph légèrement fantomatique et les rues huppées de Westmount avec leurs grosses bâtisses pompeuses ou ridicules. Nous sommes montés jusqu'au belvédère pour regarder Montréal de nuit. Tous les jeunes viennent là en voiture, pour draguer devant le paysage - comme dans les films. Les commentaires fusent par les fenêtres des autos, en anglais ou en français. Peu de gens restent dehors, il fait trop froid. Nous, nous continuons et, à force de mettre un pied devant l'autre, nous avons fini par rentrer à pied après plus de trois heures de marche. Je ne sentais plus mes jambes et mes doigts étaient gourds, mais je suis enfin entrée pleinement dans mon voyage. J'y étais, là, moi, pour la première fois. J'ai compris tout ce que cela voulait dire, et tout ce qui s'offrait à moi. Rien que pour cela, j'aurais continué encore. A minuit, transis, nous avons opté pour la solution chocolat chaud à l'appartement. Accompagné d'une tarte au sucre (noix de pécan et sirop d'érable) totalement indécente. Je me suis endormie sans même m'en rendre compte.
Ce matin j'avais un peu mal aux jambes. Un brunch et c'était reparti : toujours la même histoire, marcher des heures dans le froid, jouer au modèle pour Fabrice - version catalogue d'hiver après les séances été du mois de juin, mon manteau est très photogénique, paraît-il, sans parler du bonnet... Presque quatre heures dehors, il fait plus froid qu'hier et le vent s'est levé. Je me sens toute courbaturée et épuisée. Bienheureuse et paisible. Une petite tasse de chocolat chaud de madagascar après les efforts, cela faisait longtemps. Une heure passée à lire et regarder autour de moi. Ce soir, je ne sais pas encore.

lundi 17 novembre 2008

Aujourd'hui est venu le temps du bonnet, des gants, chaussettes et sous-pull Damart. Adieu finesse et élégance, les bonnets péruviens font leur sortie à Montréal. Le ciel est tout bleu, mais la température a chuté à - 7. Alors, pour combattre ce lot d'agressions injustifiées, j'ai été me faire couper les cheveux. Juste pour le plaisir de me faire bichonner, malaxer la tête et appeler "ma chérie" et "ma belle" par une coiffeuse qui roule les "r" avec une gouaille parfois incompréhensible - tout en me passant un disque de Carla Bruni... Rien de tel pour se vider un peu la cervelle et retrouver un brin de chaleur intérieure.
J'ai hâte d'être à Vancouver. Cette transition montréalaise est à la fois riche et étrange, un peu déstabilisante aussi. Samedi soir j'ai mangé du requin pour les 60 ans paternels, passé l'après-midi d'hier avec Marine et Manu - en vacances au Québec, alors qu'on n'avait pas réussi à se croiser en France depuis presque un an - et déposé tous mes sacs chez Fabrice qui m'a accueillie comme une reine. J'ai bravé le vent du Mont-Royal, dégusté un gros mug de chocolat chaud à l'onctuosité presque indécente et passé la soirée à refaire le monde. Je me retrouve face à toutes mes contradictions, à toutes mes envies croisées. Je trépigne, je n'en peux plus d'attendre, et pour calmer ces ardeurs désagréables je ressors prendre une bonne claque de froid. Retour sur la banquette du café Java U avec un thé et un bagel au fromage parce que j'ai oublié de manger. Les haut-parleurs diffusent du Léo Ferré, La Solitude. Après, ça passe à Brassens et Tryo, allez comprendre. Un bon livre du coin, Michel Tremblay, La Grosse Femme d'à côté est enceinte. La serveuse a les cheveux rouges et un piercing dans chaque joue. J'aimerais bien voir la neige.

samedi 15 novembre 2008

Landing

Apres des semaines et des semaines de preparation, j'ai bien cru que je ne partirais pas... Entre les avions cloues au sol et le sentiment de brutale incapacite a m'envoler si loin, j'ai senti mes chaussures s'alourdir brusquement. Et pourtant, il est une chose a ajouter au pantheon des verites eternelles : la tristesse est soluble dans la fatigue comme dans l'atmosphere des aeroports. Greve des pilotes ou pas, frenesie extreme des passagers ou torpeur bienheureuse de ceux qui partent en vacances, tout y est plus electrique, fascinant, etincelant meme. Alors, ni l'angoisse ni la tristesse n'ont plus prise sur rien et il suffit de monter dans l'avion, de se laisser porter. J'ai pris un verre de vin rouge pour trinquer avec moi-meme en grignotant de petits biscuits au fenouil - j'avais espere un moment etre reclassee en business pour avoir droit au champagne et au foie gras, mais non. Et il n'y avait meme pas de journaux gratuits pour passer le temps et m'imaginer en femme d'affaires busy busy. A la place j'ai regarde The Dark Knight sur un ecran de cinq centimetres carres en tentant de demeler les paroles couvertes par le vrombissement des reacteurs sous mon hublot. J'ai passe une heure a regarder la lune bien ronde derriere, joliment posee sur les nuages tout bleus ; et le soleil devant qui a mis des heures a se coucher, puisque nous lui courrions apres sans flechir notre vaillance...
A Montreal, queue devant les guichets de l'immigration et me voila avec un passeport gonfle par ce petit papier plie en six qui contient mon visa. Accueillie par papa. A l'hotel je sens venir la fatigue de cette journee trop longue, alors je me plonge dans la baignoire geante avant d'aller m'affaler devant la tele, en belle ecrevisse, pour essayer de ne pas dormir encore. J'avoue que regarder un match de hockey (prononcer "hockiiii") commente en quebecois n'etait pas forcement l'idee la plus appropriee pour l'objectif que je m'etais fixe. Je n'ai strictement rien compris, mais il y avait de la glace et des patins a l'ecran : ca suffit, presque, pour me rendre heureuse.
Aujourd'hui il pleut des cordes. Et comme au mois de juin, mon premier achat canadien est pour un vetement de pluie. Bien rembourre cette fois. Je suis fin prete pour Vancouver.