vendredi 17 avril 2009

Mais parfois, le temps s'arrête

Le temps file, le temps galope... Déjà de retour depuis trois semaines et je voudrais écrire tellement plus sur l'Argentine. Mais le décalage se fait de plus en plus étrange, entre ma vie ici et mes envies d'écriture qui me rattachent encore à Buenos Aires – et surtout Cordoba.


Un souvenir néanmoins n'a rien perdu de sa force, et je doute qu'il se fane un jour : la seconde où j'ai poussé la lourde porte de l'église jésuite qui jouxte l'université... Je n'arrive pas à me défaire de cette réaction incontrôlable qui me fait parfois fondre en larmes face à trop de beauté. C'est une chose rare, la première fois ce fut lors de la projection d'un film de Cocteau au Grand Théâtre de Bordeaux, puis il y eut la Traviata, les suites pour violoncelle de Bach, la lecture de L'Amour des Maytree d'Annie Dillard l'année dernière. Et l'église de Cordoba. Je ne peux l'expliquer. Ce fut immédiat. Quel phénomène étrange : y repenser simplement pour l'écrire me fait revenir les larmes aux yeux. Je ne saurais dire ce qui m'a ainsi bouleversée, est-ce l'espace immense dénué de colonnes, les plafonds en bois peint et orné de volutes délicates, l'immense autel aux statues si humaines et expressives ? Trouver une explication rationnelle me paraît futile, inutile, hors de propos. L'heure que j'ai passée ainsi, à contempler les moindres détails, à laisser toutes les émotions s'échapper librement de moi, cette heure à elle seule aurait donné toutes ses raisons d'être à mon voyage... Elle ne fut pas seule heureusement, loin de là, mais elle prend une place toute particulière, comme hors du temps, une réconciliation avec la possibilité de la beauté absolue du monde.



Et pourtant, tant de souffrances sont nées de la construction de cette église, je le sais. Elle fut conçue par un Français, non pas un religieux, non pas un architecte, mais un armateur. Que faisait-il à Cordoba, personne ne le sait. La voûte et le dôme sont en bois massif, comme toutes les décorations qui ornent l'église, le pupitre, l'autel, les statues. Mais il n'y a pas de bois aux environs de la ville. Il n'y en a jamais eu. Les Jésuites sont allés chercher les troncs dans les forêts de la région d'Iguazu, à des centaines de kilomètres de là. Le bois descendit par la rivière jusqu'à Santa Fe, puis fut transporté à dos de mules pour rejoindre le chantier. Des esclaves venus d'Afrique étaient chargés du gros œuvre, tandis que tous les ornements intérieurs, retables, peintures, statues furent réalisés dans les missions au Nord par les Indiens guaranis avant de venir prendre leur place. Et comme souvent en Amérique latine, ils mélangèrent leurs propres croyances à la représentation des scènes chrétiennes qui leur étaient commandées. Dans une petite chapelle sur le côté se trouve la statue d'une Marie-Madeleine à la peau rose, aux lèvres entrouvertes, les yeux brillants, elle tend une main délicate vers celui qui la regarde. Elle est d'une intensité humaine rare. J'ai eu bien du mal à m'arracher à sa contemplation.
Et sur ce, Argentine, fin.

1 commentaire:

soleil sucre a dit…

ravie d avoir découvert ton blog et de voir que tu as découvert ce merveilleux pays l argentine
je connais ton pays le canada et je suis une grande voyageuse
a tres bientot sur ton/mon blog