mardi 31 mars 2009

Parenthèse : BookTravellers Inc.

Il y a quelques semaines, en février je crois, Pia a déboulé sur ma ligne Skype avec une idée géniale (comme le sont généralement toutes les choses qui sortent de sa petite tête...). Le résultat : un nouveau blog à quatre mains, sur les livres, les voyages, nos petites manies de lecteurs, nos coups de gueules et aussi nos coups de fourchette. Voilà donc lancé BookTravellers Inc. où tous les lecteurs du monde sont les bienvenus, et les commentaires ou les idées plus encore. Tout ce qui, dans mon voyage, a le moindre lien avec les livres va donc s'y trouver raconté peu à peu... et ça n'est pas mince ! Alors si vous voulez découvrir les plus improbables librairies de Buenos Aires ou manger du homard en lisant Steinbeck avec Pia, c'est qu'il faut aller.

Tango

J'avoue, je n'ai jamais éprouvé la fascination intense pour le tango si souvent observée autour de moi... Quelque chose dans cette danse me mettait mal à l'aise, j'y voyais une violence, une dureté, une froideur dont je préférais me tenir éloignée. Cela restait un mystère qui ne m'attirait pas le moins du monde. Mais il est impossible de venir à Buenos Aires et de fermer les yeux... Brusquement, le tango devenait une des clés qui allaient me permettre de donner sens à mon voyage, de comprendre l'Argentine, de pénétrer un peu plus dans cette culture si nouvelle pour moi. Il ne m'a pas fallu attendre longtemps : le deuxième ou troisième soir, après un repas tout simple et parfait (jambon fumé, salade de tomates, fromage, vin) avec Juliette, Benoît et Anna, nous avons monté l'escalier sombre et raide de La Catedral pour entrer dans un lieu magique. Rien ne m'y avait préparée : la façade du bâtiment est lisse, comme d'une petit usine désaffectée, pas de grande enseigne ni affiches, l'entrée pourrait passer inaperçue, on n'y trouve qu'un type assis derrière une table pour délivrer les tickets d'entrée. Quinze pesos pour prendre un cours – mais pour nous il était déjà trop tard –, dix pour regarder la milonga.





En haut des marches, il faut pousser les portes à droite. La musique est déjà là. La pièce est immense, le plafond à des mètres de hauteur. Lumières tamisées, rougeoyantes et douces autour du bar au fond. Sur les côtés, petits canapés et fauteuils dépareillés autour de tables basses. Entre le bar et la piste de danse sont alignées tables et chaises en tous genres. Les murs sont couverts de tableaux, photos, objets divers et variés. Joyeux bric-à-brac plein de chaleur. Nous nous installons, commandons un verre, et nous laissons très vite happer par le spectacle de la fin du cours. Puis chacun peut aller danser, et cela devient magique. Il se dégage de certains couples une puissance, un bouillonnement d'énergie pourtant tout en retenue qui me surprennent totalement. Fusion des contraires, tension vive, dialogue parfois insoutenable entre l'un et l'autre me semble-t-il... Je n'y connais rien, je n'y comprends rien, je ne peux que ressentir le flot d'émotions intenses qui m'assaillent. J'observe quelques-uns des visages qui expriment une concentration absolue, une profondeur, une vertigineuse descente en soi-même, une forme de soumission à la moindre sensation, au moindre geste ou tressaillement. Comme si le plus minuscule des mouvements avait le pouvoir d'ébranler le monde.




Le soir de mon anniversaire, je suis revenue à La Catedral avec Cathal et Amanda. Nouvel émerveillement. Après la première milonga, deux guitaristes ont pris possession de la scène. Puis un homme les a rejoints au chant. Personne ici n'est professionnel. La passion est leur seul moteur. Je repère certains danseurs que j'avais vus la première fois. Tous sont jeunes. Je ne peux m'empêcher de penser que le tango est une danse verticale, et non pas horizontale. Le déplacement lui-même me paraît accessoire, la tension, le mouvement réel est ailleurs, profondément ancré dans le sol. La dureté, la violence que je percevais jusque-là sont-elles l'expression de la douleur de ce rapport conflictuel à la terre et à l'autre ? J'aurais pu rester des heures et des heures à les regarder.




A Cordoba, enfin, j'ai pu prendre un cours... Franca, Koon, Pete et moi nous sommes mélangés à un groupe aux niveaux variés, dans un autre lieu merveilleux – et caché lui aussi derrière une façade peu avenante. Deux heures sur la piste, à tenter de mettre bout à bout les sensations et les pas. Étrangement, beaucoup de choses me semblent naturelles. J'aime aussi passer du temps à regarder le professeur diriger un couple très jeune et déjà impressionnant. Comment enseigner la retenue et la tension ? Comment parviennent-ils à conjuguer une tension extrême du corps à une telle fluidité ? C'est un mystère qui désormais m'attire plus que tout.

samedi 28 mars 2009

Histoires de bus

Lundi soir, je prends le métro jusqu'au terminal des bus, à Retiro. J'arrive un peu en avance, le temps de regarder les boutiques, les amoncellements d'empanadas et de pâtisseries. Je jette un œil machinal aux stands de magazines et journaux. Il y a des livres aussi. Quelques bestsellers évidemment, Borges toujours, et puis, à ma grande surprise, au milieu de tout cela, du Jung, Sophocle, Foucault. Je l'ai déjà remarqué mille fois dans les librairies, ici il semble tout naturel de lire les grands textes de la psychanalyse, de la philosophie, du structuralisme à la française... Barthes, Blanchot, Freud sont partout – mille fois plus vivants que chez nous. Vivants, tel est bien le mot : j'ai le sentiment que ces auteurs ne sont pas lu par simple exigence intellectuelle, mais ont encore une influence bien réelle sur leurs lecteurs. Bien loin de ce qui se passe en France. Jung donc, comme lecture naturelle pour de longues heures passées dans le bus – là où chez nous l'on se précipiterait sur un Patricia Cornwell ou Amélie Nothomb.

Il est 21h15, l'horaire du départ est dépassé depuis cinq minutes mais les panneaux d'affichage ne signalent toujours rien. J'ai du mal à saisir les annonces au haut-parleur. Dans le doute, je me tourne vers deux petites mamies assises à côté de moi et leur demande si quelque chose a été mentionné au sujet du bus pour Cordoba. Rien. Les minutes passent. Nous discutons. Très vite, elles se mettent à s'inquiéter pour moi et ce bus qui n'arrive pas... En peu de temps je me retrouve avec deux grands-mères attentionnées pour moi toute seule. Elles alternent grands sourires, mots doux et regards soucieux vers le panneau lumineux. Puis enfin, j'entends « Córdoba » résonner dans le hall – elles me confirment « Plataforma 31 ! Suerte linda, suerte ! » J'enfile les bretelles de mon sac et me précipite vers le quai en leur envoyant des baisers. Quelques minutes plus tard, le bus part et je regarde défiler les faubourgs de Buenos Aires.

A Córdoba, je suis vite devenue une habituée de la station des mini-bus qui permettent d'aller se promener aux alentours de la ville... Première excursion à Villa Carlos Paz. Tous les bus ont les rideaux tirés pour protéger du soleil, je repousse un peu le mien pour regarder les paysages. Córdoba est en plaine, mais les collines puis les montagnes ne sont pas si loin. Carlos Paz est derrière la première rangée de monts râpés, à la végétation courte et rare. Sorte de station balnéaire étrange au bord d'un lac dépourvu de plages. Ce que les locaux appellent « playa » sont les sortes de restaurants aménagés au bord de l'eau et offrant une piscine qui vous ferait presque croire que vous vous baignez dans le lac. Le mini-bus fonce dans les descentes. Ou plutôt, le bruit du moteur et les vibrations sont telles qu'on croit aller à toute vitesse. Mais en fait, non.

Pour ma deuxième sortie, je voulais de la montagne et de la marche. A l'auberge de jeunesse, j'avais demandé à Martin à quelle distance se trouvait le village de La Cumbrecita... « Dos horas », parfait. Premier bus jusqu'à Villa General Belgrano. Les paysages sont superbes, on monte peu à peu, surplombant un lac après l'autre. La végétation se fait plus dense, on entre dans des forêts plus touffues. Sur le bord des routes, je regardes les guérites en bois désarticulé qui proposent du « pan casero », viandes, fruits ou légumes.


Au fur et à mesure que nous nous enfonçons, je vois de plus en plus de cavaliers, montés sur les imposantes selles argentines, ornées de métal ou de tissus colorés. A Villa General Belgrano, il faut prendre un autre bus. Cela fait déjà deux heures que je suis en route. Le trajet semble ne pas avoir de fin. Le second autocar est bien moins fringuant que le premier, il s'élance sur une route loin d'être terminée. Pour le moment ce ne sont que des bosses et des virages aigus. Une heure et demie de progression laborieuse et lente. La Cumbrecita enfin. J'ai à peine quatre heures devant moi si je veux pouvoir rentrer à Córdoba le soir. Je pars marcher, au milieu des chalets suisses... La Cumbrecita est un ancien village allemand, on s'y croirait. Les restaurants touristiques en bas proposent choucroute, forêt noire et autres plats typiques. Étrange. Je monte, quitte les sentiers trop courus, prends un petit chemin qui mène jusqu'à une cascade sublime. Restée là une heure à regarder l'eau tomber, je finis par discuter avec une femme assise un peu plus loin. Mon espagnol trébuche encore un peu, trop à mon goût bien sûr. Mais je parviens néanmoins à m'exprimer à peu près et à comprendre ce que l'on me dit. Il faut déjà partir. Je n'ai pas mon billet de retour, il faut l'acheter au conducteur. Il a l'air pressé, je suis la dernière à monter dans le bus, et il se met immédiatement en route... La porte est ouverte car il n'y a pas d'air climatisé. Je suis devant le marche-pied, accrochée comme je peux, tandis que le chauffeur tient son volant de la main droite et de la gauche imprime mon ticket puis fouille dans sa portière et sa poche pour me rendre la monnaie. La route caillouteuse et irrégulière remonte le long de la montagne, elle tressaute et tourne dans tous les sens. Le regard du conducteur va de sa main gauche au prochain virage. Je sens l'air dans mon dos. J'ai un peu peur de me retrouver dans le fossé, soit toute seule, soit avec le bus tout entier, étant donné la situation. Enfin, je récupère mes pièces et vais m'asseoir. C'est mieux comme ça.



Samedi, direction Mayu Sumaj, bout de plage entre les cailloux sur la rivière. Il n'y a plus de place dans le mini-bus, je me retrouve assise à l'avant à côté du chauffeur. Ça me plaît.

Dimanche soir, il faut repartir pour Buenos Aires. Le bus est à 22h30. L'orage a éclaté en fin d'après-midi, il pleut des cordes. Impossible de réserver un taxi, les stations sont vides, il va falloir essayer d'en arrêter un dans la rue. Pete et moi sortons les housses imperméables de nos sacs à dos et nous lançons dehors. La pluie a faibli. Mais tous les taxis sont occupés, lumière éteinte. Nous avançons. Dans une petite rue à droite, un taxi affiche libre. Nous nous précipitons – juste pour voir une femme nous doubler en courant et s'engouffrer par la portière. Sous nos gros sacs et sous la pluie qui a redoublé, nous rageons. Je l'aurais volontiers étranglée. Il ne nous restait qu'une solution : aller au terminal à pied. Et regarder régulièrement derrière nous pour repérer un éventuel sauveur... Vingt-cinq minutes plus tard, trempés jusqu'à la moelle, nous y sommes. Direction les toilettes pour enfiler des vêtements secs. Le temps d'acheter des fruits et de l'eau, il est 22h25 et nous sommes sur le quai. Vingt minutes plus tard, nous n'avons pas bougé. Pete regarde ma montre. Regarde l'horloge qui surplombe les voies. Ma montre retarde de cinq minutes. Moi qui ai toujours angoissé quant aux horaires, prenant garde à être à la gare ou à l'aéroport bien avant l'heure, voilà qu'en Argentine j'apprends à être plus souple, je conçois sans problème d'être à l'endroit dit à peine cinq minutes en avance – et je rate mon bus ??? Quelle ironie. Je nous vois déjà rebrousser chemin sous la pluie et rentrer penauds à l'auberge. Nous attendons encore un peu. Puis, en dernier recours, je redescends à la billetterie la tête basse pour demander si le bus est déjà parti. Le guichetier me lance alors un grand sourire : le bus a eu un problème. La compagnie en envoie deux autres à 23h15 en remplacement. Il change nos billets. Je remonte soulagée. Bien sûr, les bus en question ne se sont pas garés aux voies indiquées, ç'aurait été trop simple. Mais cette fois, nous étions sur nos gardes, et avons fini par nous installer dans les énormes fauteuils inclinables, totalement épuisés. Je me suis endormie immédiatement, comme si j'étais dans mon propre lit.

Conversations de voyageurs

1. Où emmener ses vêtements à laver ? Ou plutôt, où les emmener pour qu'ils ressortent effectivement propres. Martina et ses mille histoires de fringues impossibles à faire laver en Bolivie : ressorties dans le même état, agrémentées simplement de nouvelles taches blanches, savon séché. Amanda, qui travaille dans la mode et commence tout juste son tour du monde avec Cathal, nous lance des regards de plus en plus terrifiés : elle tient à ses habits comme à la prunelle de ses yeux... Aimee en rajoute une couche en racontant comment après cinq mois elle a commencé à repriser ses t-shirts, shorts ou jupes, complètement usés par les voyages et les laveries peu scrupuleuses de Colombie.

2. Aimee : « After Bolivia, believe me, your bowels will never be the same again. » Ici, on parle de diarrhée comme à la maison on discuterait travail : « Alors, c'était comment aujourd'hui ? » Amanda justement vient d'aller faire un tour à l'hôpital allemand de Buenos Aires, condamnée à boire du Gatorade et manger des crackers pendant deux jours.

3. Sujet essentiel en Amérique latine : la drogue. J'avoue, je me suis sentie incroyablement naïve et déconnectée de la réalité. Mes amis irlandais me racontent leurs trips à l'extasy, apparemment devenue monnaie courante à Dublin, anodine, dirait-ils presque. Nous sommes installés au bar de l'auberge, nous avons partagé notre dîner et buvons tranquillement une bouteille de vin argentin. Et peu à peu, je découvre que les uns et les autres ici carburent à la cocaïne. Thomas, baroudeur polonais qui a tout vu, tout parcouru et tout essayé, était devenu la figure phare de l'auberge. Un soir, tous sont sortis en club. Thomas et l'un des Colombiens sont partis chercher de la coke. Revenus en moins de cinq minutes. A Buenos Aires, la chose semble des plus simples. Au moment de repartir en Europe, il a laissé un gramme à Amanda en cadeau. Elle dit ne pas vouloir essayer. Je sens Cathal moins catégorique. Ce qu'ils en ont fait, je ne le sais pas.
A Córdoba, autre style : un soir, nous sommes tous assis dans le patio. Le Tango Hostel est en effervescence : ceux qui s'en occupent reçoivent un immense groupe de leurs amis. L'un d'entre eux s'avance vers nous, nous tend une feuille et nous propose de but en blanc une séance d'hallucinations collectives au « te mezcal ». Sur la feuille est expliqué le rituel, les vertus de la boisson, l'absence de danger – il est tout de même précisé qu'il faut apporter des vêtements de rechange, les plus amples possibles, et que les personnes anxieuses devraient s'abstenir. Sans parler des cardiaques. Personne n'a suivi.

lundi 16 mars 2009

Transports peu communs


Betise : prendre le bus pour traverser la ville de part en part, un vendredi soir a l'heure de pointe, et par 35 degres a l'ombre. La sueur du voisin vous coule sur le bras, les fenetres ouvertes accueillent toutes les emanations des pots d'echappement voisins. Les vehicules sur la route sont a touche touche, ce qui n'empeche personne de rouler a toute allure. Le bus ne fera pas exception. Le premier qui freine a perdu.



Hier soir, Juliette, Benoit et moi montons dans un taxi alpague au coin de la rue. Bientot nous nous agrippons ou nous pouvons, portieres, dossier du siege avant. Le chauffeur se faufile entre les voitures, double de tous les cotes, zigzague comme dans les meilleurs films. La ou le marquage au sol signale trois files de circulation, la realite fait place a quatre, voire cinq, voies simultanees. Les bus forcent le passage a droite, a gauche. Un coup d'accelerateur nerveux et le taxi reussit a passer - par l'operation du saint esprit. Les virages nous propulsent les uns contre les autres. Un coup de frein et je vois la mort arriver. Alors nous nous sommes mis a rire nerveusement, betement. Mais nous sommes arrives entiers.

C'est donc un lieu commun : ici, tout le monde roule comme s'il y avait une femme en train d'accoucher sur la banquette arriere. Pour traverser la route, le pieton doit aussi souvent ruser. Il faut en quelque sorte calculer le laps de temps minimal necessaire pour traverser entre deux voitures arrivant a fond la caisse. Si le conducteur estime que le pieton lui a grille la priorite - car c'est bien dans ce sens-la que les choses fonctionnent - il n'hesitera pas a klaxonner sauvagement, voire accelerer et se rapprocher le plus possible du coupable pour lui faire donner une bonne suee.

Ce soir je prends le bus de nuit pour Córdoba. Autre experience, je verrai bien.

mardi 10 mars 2009

Rituels

Tous les matins, petit rituel : je vais jusqu'au cafe du jardin botanique, je commande un simple the, et c'est tout le petit-dejeuner qui fait son apparition sur ma table... Une grande theiere accompagnee de jolies rondelles de citron sur une coupelle, un verre de jus d'orange frais, un verre d'eau petillante et une medialuna fondante. Que demander de plus ? 5 pesos au final, a peine 1 euro.

J'avais pris de bonnes resolutions : ne faire de marche extensive qu'un jour sur deux, pour eviter la repetition de l'experience new-yorkaise. Reposer mes pieds. Reposer ma tete. Mais evidemment, cela m'est impossible... Alors j'avance, j'avale les kilometres et je rentre avec l'impression de marcher sur des coussins d'air.

Dans les auberges de jeunesse, faire la nouille paye toujours : "comment ca marche, le gaz dans la cuisine ?" Et voila lancee une soiree de conversation a batons rompus autour d'une grande bouteille de vin avec un couple d'Irlandais en voyage. Facile.

samedi 7 mars 2009

Arrivee sous les pluies diluviennes, douche tropicale pour mon sac, mes chaussures et moi. Les chaussures n'ont pas survecu. J'ai du acheter une paire de tongs en catastrophe. Premiere soiree, degustation de parilla avec Juliette, Benoit et Anna. Cliche : la meilleure viande que j'aie mange depuis bien longtemps. Autre cliche : Buenos Aires, royaume inconteste des librairies. Je fais des listes de livres a lire. Hier soir, milonga a la Catedral, concert de tango, danseurs amateurs, certains maladroits, d'autres envoutants. Spectacle tamise. Couchee tres tard - mais qu'est-ce que "tard" ici ? A trois heures du matin, les rues grouillent encore de monde. Ce matin, petit-dejeuner de pomme et medialuna au jardin botanique, lecture sur un banc a l'ombre, au milieu des chats. Atmosphere dense, vegetation lourde et odorante. Mon espagnol revient a grands pas, malgre la surprise de l'accent d'ici. J'ai deja appris a dire "pansements". Peu a peu, je parviens a mieux m'exprimer - et mieux deviner ce que l'on me dit.

lundi 2 mars 2009

Je pars demain, et cela me semble totalement irréel. J'ai passé ces derniers jours dans la plus terrible des urgences, à refaire entièrement ma demande de visa, à courir dans tout Vancouver pour tenter d'obtenir enfin des informations fiables et rassembler tous les documents nécessaires. Je croyais naïvement que l'expérience des inscriptions universitaires à la Sorbonne m'avait préparée à tout. Eh bien, c'est faux ! J'ai eu l'impression de me retrouver prisonnière de la maison des fous... Bien sûr, je n'ai pas acheté de ticket de SkyTrain pour le mois de mars. Et pour une fois que je prends le bus sans payer, je me fais prendre. L'univers s'est ligué contre moi ! Trois larmes, la voix chevrotante et une main frénétique brandissant mon fatidique dossier d'immigration ont fait l'affaire. Je m'en suis tirée pour le prix normal du voyage. Pff. Pour résumer, tout ce qui pouvait déraper ces derniers jours a dérapé en beauté. Le Hasard a un sens esthétique que je ne suis pas toujours certaine d'apprécier.

Mon sac, n'est même pas fait, je ne sais pas ce que je vais bien pouvoir fourrer dedans. Ceci dit, je n'ai pas ramené énormément de vêtements d'été, trois robes je crois. C'est tout. Je n'ai même pas de sandales. La chose sera légère ! Mais j'ai l'essentiel avec moi : l'adresse de l'auberge de jeunesse, 50 dollars US, le nom de la navette qui va en centre-ville, un bout de carte. Pour le reste, on avisera sur place.

dimanche 1 mars 2009

En Ecosse, je me nourrissais littéralement de tous les vieux films en noir et blanc qui passaient à la télé. J'accumulais les cassettes vidéo où j'enregistrais pêle-mêle les visages de Greta Garbo, Ingrid Bergman, Spencer Tracy, George Sanders, Fred Astaire, Vivian Leigh... Le Fantôme de l'opéra, Fury, Le Village des damnés, Marguerite. Mille et une images qui virevoltaient sous mes yeux. Revenue en France, au grand dam de mes parents, je suis devenue une inconditionnelle des cérémonies à paillettes : les César, Cannes et son tapis rouge. Au mois de mai, tous les soirs, impossible de me déloger de la télé et de Canal +. Piles de Studio Magazine sur mon lit. Sous mon lit. Mais de toute cette débauche de belles robes et de costards d'ébène, il me restait un regret : une partie de ce monde restait hors de portée... Les Oscars. Ce moment magique attendu de tous et qui se déroulait pour nous au milieu de la nuit, appartenant à un royaume inaccessible, entre rêve et réalité, intangible, à l'existence si précaire, me semblait-il... Au réveil le lendemain matin, le mystère n'était plus qu'une liste, annônée laborieusement à la radio, imprimée en police minuscule dans le Monde ou appuyée d'un insupportable clip frénétique au journal télévisé.


Dimanche dernier, personne n'aurait pu me déloger de ma place bien chauffée devant le petit écran. Des pommes, mon Thermos de thé. J'étais fin prête. Ce fut magique. Enfin, les Oscars prenaient chair. Bien sûr, en midinette insupportable, j'ai pleuré avec chaque remise de prix – ou presque. C'est un moment où l'on se sent toujours un peu bête... mais que faire d'autre que se laisser porter par les émotions ? C'est là l'extraordinaire pouvoir du cinéma, nous faire passer par toutes sortes d'états improbables, nous émerveiller, nous terrifier. Toutes choses pour lesquelles je suis plutôt bon public... Alors sans honte ni remords, j'ai pleuré avec Kate Winslet, j'ai ri avec l'équipe de Slumdog Millionnaire, la futilité de l'existence humaine m'a serré la gorge lors de l'attribution de l'Oscar à Heith Ledger. Et au bout de quatre heures, j'étais littéralement épuisée.