mardi 27 janvier 2009

De la neige à nouveau. La salle de classe n'est pas chauffée, tout le monde remplit inlassablement son Thermos de thé et le sirote en tremblant dans son manteau. Je ne suis pas une très bonne élève ces temps-ci, j'avoue. Je bois des cafés alloooongés en dévorant livres et magazines. Je danse. Je vais au cinéma. Je marche. Je réfléchis à la suite. C'est bien aussi.

jeudi 22 janvier 2009

Reading Ken Follet's Pillars of the Earth, I painfully realize I've developed a fierce allergy to any kind of middle age set novel. Please, no more witches, cathedrals, outlaws or lecherous bishops. Some clichés are unforgivable.
The man who picked up cigarette butts in front of the coffee shop.
What's in his mind ?
Head slightly bent, shoulders are up. The tip of his feet are turned inwards, as if he were afraid to step on too much of the road. The road belongs to others, to those who have a place to go, a target to hit, somebody to meet.
He reaches the ground with his hand. The man picks up cigarette butts in front of the coffee shop. Slowly, one after the other. He keeps his left hand close to his chest, he drops them there, in this little nest, delicately, as you would feed a wounded bird. Then he sits down, awkward and shaking, on the edge of these fancy iron chairs. On the fancy iron table, he takes the cigarette buts and makes a line. Looks at them in a blurred gaze. Then, rumbling in his pocket, he seizes a lighter and starts puffing slowly on somebody else's leftover. He watches passers-by. Passers-by see nothing.

dimanche 18 janvier 2009

Du soleil, enfin. Après plus de quinze jours de pluie et de brouillard qui rongeaient tout. J'en avais même oublié la présence et la beauté des montagnes. Les redécouvrir ce matin fut une merveille. Vision qui allège les cœurs, donne envie de sortir, marcher au bord de la plage, rester le nez en l'air, s'asseoir sur les marches du musée, un livre dans la poche.
Mes pensées se sont gonflées de ces jolis moments retrouvés. La soirée d'hier annonçait déjà ce pré-printemps qui m'arrive. Pause dans ma guerre froide avec les Japonais. Ou cessation définitive des hostilités ? Je ne sais pas encore. Nous avons dîné de sushis (encore, mais de cela je ne me lasse pas) puis sommes montés chez Kohei pour poursuivre la fête. Tatsuya fut égal à lui-même. Shohei a cuisiné des okonomiaki délicieux (une sorte de grosse crêpe fourrée au chou-fleur, aux lamelles de porc ou aux crevettes), j'ai eu droit à un tour d'horizon de la pop coréenne et fini par danser jusqu'à n'en plus sentir la plante de mes pieds.

samedi 10 janvier 2009

Je viens de découvrir le sushi à masticage optionnel, qui fond dans la bouche sans qu'on ait besoin de l'aider. De quoi réconcilier n'importe qui avec le Japon. Prédation très cathartique également, je l'avoue.
Un endroit insoupçonné, et indécelable pour les non-connaisseurs... Il faut aller jusqu'à Burnaby, se garer devant l'un de ces innombrables petits centres commerciaux qui bordent toutes les routes ici, aussi anonymes et miteux les uns que les autres. Des boutiques en cube s'y alignent indistinctement, mêlant restos obscurs, boutiques d'électronique ou de vêtements. Fuji Sushi. Aucun marketing là derrière, c'est certain. Mais quand on pousse la porte, on se retrouve à côté d'une cuisine ouverte, où officient deux cuisiniers en chemise à motifs traditionnels, un bandeau de tissu enroulé leur entourant le front, attaché à l'arrière du crâne en un nœud savant. Devant eux sont alignés tous les filets de poisson, découpés au fur et à mesure sous l'œil attentif des habitués attablés au bar. En entrée, j'ai bu un bouillon aux algues et à la pieuvre (crue). Puis sont arrivés les sushis les plus exceptionnels que j'ai eu l'occasion de manger, tous lieux confondus. A croire que le poisson avait été pêché une heure avant. Yuko exultait. Moi aussi.

jeudi 8 janvier 2009

Timing parfait : mes dilemmes culturels surviennent exactement au moment où nous étudions en cours l'impact des cultures sur les relations interpersonnelles. Cela m'aide à appréhender ma situation avec plus de précision, à la comprendre aussi. Si seulement mes Japonais pouvaient eux aussi y réfléchir un peu et construire un raisonnement dans l'autre sens... Une chose essentielle, par exemple, dont je n'avais aucune idée : au Japon, comme dans de nombreux pays asiatiques, il est inenvisageable d'émettre une opinion négative, de corriger ou contredire quelqu'un, ou même de répondre « non » à une question toute simple. Même Yuko me dit avoir du mal à dire à Lily qu'elle n'aime pas les courgettes. La désapprobation s'exprime par le silence ou par une politesse en demi-mesure. Elle ne peut jamais être directe. Signaler son désaccord est considéré comme particulièrement rude, agressif, impoli. Donc me voilà devenue une personne rude, agressive et impolie, moi, le plus conciliant des êtres sur cette terre... c'est un choc. Mais j'ai compris que cette différence essentielle est pour beaucoup dans notre incompréhension actuelle. Une autre chose : en Asie, il est de bon ton de laisser un silence entre les questions et les réponses, temps de réflexion nécessaire. En Europe, le silence est négatif, nous répondons sitôt la question posée, voire avant même que notre interlocuteur ait fini. Deuxième erreur de ma part, en cours. Je n'ose plus parler. Mon attitude naturelle, aux yeux d'un Japonais, est totalement déplacée. Que faire ? Pour le moment, ma technique consiste à aller boire des cafés chez Smart Mouth et parler de futilités absolues avec les serveurs, à la manière canadienne, pas très fine, sans détours, avec moult questions directes et opinions personnelles. Ça ne résout pas mon problème, mais ça fait du bien.

mercredi 7 janvier 2009

Se faire draguer dans les cafés permet de sauver la vie d'un ou deux Japonais. On ne le sait pas assez.

Répéter ses pas de salsa en écoutant Cécilia Bartoli n'est pas une bonne idée.

« The greenhouse gas are the gas that come from the vegetables grown in greenhouses. They're very harmful to the environment. » George Bush ? Non, ma prof.

lundi 5 janvier 2009

Après plus de dix jours d'interruption, j'ai retrouvé mon quotidien asiatique. Et je me rends compte, en comparant avec l'atmosphère de ces jours derniers, à quel point cela m'est difficile. En cours, je ne peux me défaire de l'impression qu'une barrière invisible nous sépare ; c'est une idée que je n'aime pas, qui me révolte profondément (pour cette raison probablement, je n'ai pas réussi à en parler plus tôt), et dont je fais pourtant l'expérience au quotidien. Est-ce la barrière de la langue ? Ou des codes culturels différents, que je ne sais pas interpréter ? Ou peut-être encore le fait que je suis numériquement isolée face à eux, qui forment groupe ? J'ai beaucoup de mal à mener une conversation véritable, comme s'il y avait constamment un mur entre nous. Je n'arrive pas à savoir ce qu'ils pensent vraiment, si je dois continuer à les questionner pour créer ce contact, ou si ce faisant je les perturbe, je les dérange. A la surface, tout est souriant et gai. C'est en profondeur que la différence se fait sentir. Au moins, certes, n'y a-t-il pas d'affrontement véritable, ni de dissensions, ni de frictions d'aucune sorte. Je baigne dans l'agréable, le léger, le futile. Mes questions, mes paroles sont toujours accueillies d'un grand sourire et hochement de tête vigoureux.
Pour la toute première fois de ma vie, en somme, j'ai le sentiment d'être face à un écart culturel abyssal, que je ne sais comment combler. Comme si toutes les bases de ma pensée ne pouvaient être comprises par eux, et que je ne pouvais saisir les leurs. Nos univers de référence me semblent incompatibles.

Longue conversation avec Yuko à ce sujet, ce soir, dans les gros canapés du salon. Parler avec elle m'est devenu totalement naturel, peut-être précisément parce qu'elle-même se sent différente des autres Japonais. Elle l'est, c'est une évidence absolue. Je connais ses opinions, ses sentiments. Elle cherche à s'exprimer de toutes les manières possibles. Elle est en quête de contact et d'échange. En parlant tout à l'heure, nous sommes parvenues à l'idée que ce gouffre dont je fais aujourd'hui l'expérience vient de l'opposition entre deux conceptions de la personne. Pour nous en Europe, comme en Amérique du Nord, l'accent est mis sur la personnalité individuelle. Au Japon, la communauté prime sur l'individu, on attend de celui-ci qu'il s'efface pour se mettre au service du groupe. Je sais bien que c'est un constat que l'on lit partout dans les journaux, un fait communément admis, un cliché presque ; je repense en écrivant ceci aux images que j'ai vues, aux lignes que j'ai lues ; mais cela n'enlève rien au choc de la réalité telle que je la vis ici – alors que je ne suis pourtant qu'au Canada (j'ai parfois tendance à l'oublier...). Sur le plan du nombre, je suis certes face à un groupe, mais c'est un groupe culturellement et psychologiquement constitué. Et je ne sais comment l'aborder, dialoguer avec, le dépasser. Yuko pour le moment me semble être un bon médiateur... mais il me faudra plus.

Mon lundi cependant m'a appris autre chose : le Vancouverois vraiment totalement canadien existe. Et parfois, il danse la salsa. Premier cours aujourd'hui. Mais c'est une autre histoire.

samedi 3 janvier 2009