mercredi 24 décembre 2008


La nuit dernière, il s'est remis à neiger et cela ne s'est pas arrêté depuis. La couche blanche sur le balcon ne cesse de s'épaissir. La ville ne possède aucun équipement pour gérer la situation : pas de chasse-neiges pour déblayer les routes, pas de graviers ou de sel à pulvériser sur les trottoirs. Vancouver est devenue un immense bourbier, un amas de gadoue neigeuse qui s'infiltre partout. Les voitures garées auprès des trottoirs ne sont plus que de vagues formes blanches, plus personne n'ose prendre le volant, de peur de rester sur le bas-côté dans un quartier indéfini de l'agglomération. Le SkyTrain va de déboire en déboire. J'ai appris à me résigner à l'attente, que ce soit sur le quai ou dans le train qui ne cesse de faire halte. Les wagons sont bondés, et lorsque l'on approche du centre-ville, plus personne ne peut monter à bord. Être loin du downtown est souvent un inconvénient, mais au moins je peux me faire une petite place entre les sièges. Ce matin, la tentation fut grande de rester à la maison. Depuis les fenêtres déjà je pouvais mesurer l'état de panique à l'extérieur. J'ai fini par sortir et fus bien surprise de trouver à 8h30 un métro qui semblait fonctionner à peu près normalement.
Après-midi, Kelley, notre professeur, est revenue en classe après la pause, nous annonçant qu'un arbre était tombé sur les voies à Nanaimo. Circulation totalement interrompue. Les bus se rendant habituellement à New Westminster, où j'habite, étaient détournés, faute de pouvoir faire l'ascension de la colline sur laquelle la ville est située. Une demi-heure plus tard, un autre professeur passa la tête dans l'entrebâillement de la porte : l'arbre ayant été dégagé, la situation avait repris son cours normal. La direction de l'école, néanmoins, décréta la fin des cours à 15h15, pour nous permettre de rentrer avant la tombée de la nuit. Yuko et moi nous sommes dirigées vers la station Waterfront, le terminus de la ligne, espérant ainsi pouvoir trouver une place assise. Arpenter les trottoirs est devenu un exercice périlleux : la neige amoncelée sur les toits tombe brusquement en gros paquets sur le bord de la route. Nous avons failli nous faire assommer à deux reprises. Une femme devant nous eut moins de chance et en fut toute sonnée. 15h45, nous avons pris place à bord du train. 16h45, nous n'avions pas bougé. 17h20, deux stations plus loin, nous partagions un chocolat fourré aux cranberries en nous souhaitant joyeux Noël. 17h50, enfin, du mouvement. 18h25, nous arrivions à Columbia Station, mortes de froid, priant pour que Lily ait abandonné l'idée d'aller chez son frère. Quand nous sommes arrivées à l'appartement, elle était en pyjama, un plateau de sushis sur le comptoir de la cuisine, du saucisson, du fromage et une bouteille de vin ouverte à côté. J'ai mangé du saucisson avec les baguettes, bu du vin rouge sur un maki aux œufs de cabillaud. Il neige encore. Joyeux Noël...

dimanche 21 décembre 2008

Tempête de neige à nouveau. Pas question que je mette le nez dehors. Lily a enfin mis le chauffage dans ma chambre. Je revis.

samedi 20 décembre 2008

Yuko a emménagé avec nous hier. Elle est japonaise. Était-il besoin de le préciser ? Cette rencontre me plaît. Depuis mon arrivée, c'est peut-être la toute première fois que je perçois la possibilité d'une communication véritable. Il y a là quelque chose qui circule, qui fonctionne ; la potentialité d'un quotidien agréable et drôle. Ce soir, nous avons disserté sur les mérites comparés des baguettes japonaises et coréennes. En bois, en métal, carrées, arrondies ou plates, lourdes ou légères... mon cerveau a dû faire place à un nouveau type de classification.
Vancouver décidément est tout aussi aguicheuse que pudique. Cette ville laisse entrevoir des douceurs, des lieux chargés d'énergie et de plaisirs, pour aussi vite les cacher à la vue. C'est probablement cela qui m'a tant attirée ici, tant charmée. Et frustrée par la même occasion. S'y promener, y vivre, deviennent comme un jeu permanent. Il faut accepter de passer des hautes tours vitrées du downtown aux murs de brique rouge de Gastown, des immeubles en ruines de Powell Street aux rues étroites de Chinatown, des anciens entrepots de Yaletown reconvertis en restaurants branchés aux petites échoppes en enfilade du côté d'English Bay. Il ne faut pas attendre qu'un quartier entier s'offre à vous, pas d'immense révélation, pas d'espace ouvertement fascinant, le promeneur doit apprendre à piocher ici ou là, à laisser errer son regard, à mettre des points sur une carte imaginaire... et peu à peu il recomposera la ville, sa ville personnelle et intime, faite de ces petits lieux subrepticement découverts. Loin d'être figée sous le poids de ses façades, Vancouver est mouvante, ne se laisse appréhender qu'à la manière du jardin secret des livres d'enfants : on pousse une porte que l'on n'avait vue jusque-là, et voilà tout un nouveau monde qui s'ouvre. Magique.

Nuit d'insomnie, tout au fond de mon lit avec ma polaire, une main sortie des draps, juste ce qu'il faut pour tenir le livre droit. Il fait très froid dans ma chambre ces temps-ci, les températures extérieures ont chuté ces derniers jours et les Vancouverois n'en reviennent toujours pas. Eux qui ont l'habitude de passer tout l'hiver à 5 degrés sont tout déboussolés par ces -5 à -15 qui sont devenus la norme depuis une semaine. La neige les panique, tout est paralysé. Même le fleuve derrière chez moi est paraît-il en train de geler.

vendredi 19 décembre 2008

Today's « Why the hell do people do those things ? »
Walk around wearing Santa's red and white fluffy cap. On kids, it's cute. On grown-ups, it's gross.
Wear shorts when it's freaking cold. Wear a mini skirt when it's freaking cold.
Buy - and eat - smoked salmon marinated in maple syrup and cinnamon.
In the book I borrowed from the library yesterday, I found a dead fly squashed between the pages. Who would do that ?

lundi 15 décembre 2008

Cherchez l'erreur.


Etant finalement assez douée avec les baguettes, j'ai gagné le respect de mes compagnons asiatiques. Aussitôt le premier plat arrivé sur la table samedi soir, tous les yeux se sont rivés sur moi. Ils ont attendu en silence. Ensuite, j'ai eu droit à mille félicitations. La deuxième partie du rituel d'intronisation fut plus douloureuse : boire un petit verre de soju cul sec. La troisième m'a achevée, mais je n'étais pas seule : Jin Koo a commandé un plat de poulet épicé qui nous a tous fait pleurer et hurler. Il a fini l'assiette seul, transpirant à grosses gouttes, de la buée sur ses lunettes.
J'ai encore beaucoup de choses à apprendre. Ainsi, au Japon est-il extrêmement impoli de demander son âge à quiconque. Promis, je ne ferai plus l'erreur. Cela dit, Tatsuya, Japonais lui-même pourtant, mais Japonais bourré ce soir-là, fut le premier à mettre les pieds dans le plat. Six fois de suite, il m'a demandé : « How old are you ? » Je n'ai compris que trop tard le tollé que sa question a provoqué à table. Yumi, assise à ma droite, m'a vivement attrapé le bras en me soufflant « You don't have to answer, you don't have to answer ! » pendant que Kohei essayait en vain de faire taire mon voisin de gauche, qui en était déjà à sa deuxième bouteille de soju et qui ne semblait pas vouloir s'arrêter en si bon chemin.
Lorsque nous sommes sortis du restaurant à 22 heures, de gros flocons avaient commencé à tomber sur la ville. Puis à notre sortie du bar à minuit, tout était blanc. J'ai dû courir sur la neige avec Yumi et Daiki pour ne pas rater le dernier SkyTrain. Mes vieux réflexes des glissades sur les trottoirs d'Oslo sont bien vite revenus. Les fous rires aussi. Ce fut une bien belle soirée. Ma première ici. Et qui sait, peut-être vais-je vraiment me mettre au japonais ?

dimanche 14 décembre 2008

La ville est blanche, les voitures glissent en bas des côtes. Les trams ont trop froid et ont baissé leurs antennes. Hier soir à minuit, des filles en débardeur lançaient des boules de neige aux garçons en glissant sur les trottoirs avec leurs talons hauts.



vendredi 12 décembre 2008

Version française : Geôrge « dabelyou » Bouche.
Version québécoise : Dgeooordge « doublevé » Bush.
Cherchez l'erreur.
Vivement Obama.
Takoyaki


jeudi 11 décembre 2008




Tous les matins, je remplis mon petit thermos de thé. J'adore. Ici, on a le droit d'avoir son gobelet en cours. Corollaire : on a aussi le droit de sortir faire pipi sans demander la permission.

mercredi 10 décembre 2008

Shohei est arrivé en cours avec deux tuperwares remplis de takoyaki. Deux tours de table et les boites lui sont revenues vides. Ce sera ma découverte culinaire de la semaine. Des petites boules faites de farine, de gingembre en poudre, d'oignons et de poulpe, recouvertes de sauce et de flocons de poisson séché, une spécialité d'Osaka. Discussion animée sur les gastronomies japonaises et coréennes, tout le monde s'enflamme, la prof et moi regardons tout cela d'un œil étonné. Je suis vraiment la seule ici à n'avoir jamais goûté au Soju coréen (alcool de bambou), ni à une autre boisson, japonaise cette fois, dont je n'ai pas réussi à retenir le nom... Je réalise que je suis la caution exotique de la classe. L'élément étrange qui ne connaît rien aux bonnes choses. Ils ont décidé de faire mon éducation. Je suis prête à boire du bambou, si cela permet de délier les langues...

Depuis le début de la semaine, chaque après-midi nous venons tour à tour présenter notre exposé. Le but : choisir un produit et étudier les possibilités de lancement dans deux pays différents ; analyse des situations politiques et économiques, point sur les risques courus et les bénéfices possibles. Aujourd'hui, c'était notamment au tour de Tatsuya. Tatsuya est japonais. Tatsuya ne rit jamais. Il est assis tout au bout du rang, dans le coin au fond à gauche. Il marche toujours très très vite, légèrement penché en avant, comme pour gagner du temps (pensez aux coureurs du cent mètres qui bombent le torse pour franchir la ligne avant les autres – Tatsuya, c'est la tête qu'il envoie d'abord). Très sérieusement donc, il a commencé sa présentation, faisant défiler ses planches powerpoint les unes après les autres. Pour marquer sa différence, il a choisi deux produits. Des bouteilles d'eau du mont Fuji d'un côté, et, de l'autre, nouvelle découverte, des colliers magnétiques supposés dénouer les dos tendus. Tatsuya lui-même est un adepte fervent de cette sorte de cordon épais qu'effectivement, il porte constamment. Le constat est dur : soit cette chose est totalement inefficace, soit ce pauvre Tatsuya ne doit pouvoir se mouvoir du tout en temps normal. Après un éloge nourri de l'objet, le voilà embarqué dans une série de calculs impossibles destinés à démontrer les avantages financiers qu'il y a à envoyer ces deux produits ensemble par voie marine, ponctuant chaque segment de phrase par un « SO ! » absolument terrifiant.
- SO ! It's ok if you SO ! do not understand everything SO ! I just explain SO not important but SO ! interesting for me...
Vingt minutes. Chacun hésite entre bâillement et fou rire. La prof reste d'un calme olympien, ponctuant chaque planche d'un « aha » aussi encourageant que déprimé.
Nous voici arrivés au moment de la présentation des deux pays, le cœur du sujet. Tuvalu et les îles Marshall. Régions pauvres parmi les plus pauvres. Ils n'ont pas d'eau potable, d'où l'utilité des bouteilles d'eau minérale du mont Fuji. Et ces îles risquent fort de disparaître d'ici quelques années, suite au réchauffement climatique. Donc leurs habitants sont stressés et auraient fort besoin de ces fameux colliers pour retrouver sérénité. Toujours avec le plus grand sérieux. Il y avait peut-être une caméra cachée.

mardi 9 décembre 2008

Larry King and the Osteens, CNN hier soir.
Un spectacle bien étrange, que de voir ainsi étalées, presque glorifiées les expressions béates d'un pasteur golden boy à la John John Kennedy accompagné de sa femme poupée Barbie, voix douce, brushing parfait, venus expliquer que Dieu nous a envoyé une épreuve pour tester notre foi, que seuls les plus fervents vaincront ces temps obscurs. Du pain bénit, la crise économique, en somme. Pour eux en tout cas, cela semble ne pas faire l'ombre d'un doute.
Ce pauvre Larry King, les yeux écarquillés, presque candide :
- What amount of money do you actually receive from the Church ?
Joel Osteen, sourire ultra-brite :
- Well, actually all the money that comes to the Church goes back to the Church. We receive no personnal benefit from our Church.
- Oh, really ? How do you, then... make a living ?
- Well, Larry, we write books, we've got two childrens' books coming out for Christmas for instance. And well, we have eh... a number of side income, personnal investments eh...
- Oh. (regard émerveillé, un peu sonné) I'm really stunned. I didn't expect that. I'm impressed, I have to say. Let's move back to the economic crisis then. What is your message to those who are deep in despair today ?
- Well, Larry...
Exemple de journalisme offensif à l'américaine ?


Le produit du jour, proposé par The American Historic Society : vous pouvez dès aujourd'hui vous procurer l'assiette de collection Barack Obama, avec son petit présentoir pour, à votre convenance, l'accrocher au mur ou la déposer sur votre plus beau buffet. En lettres d'or : The Change Has Come.
Je ne vous donnerai pas le prix. L'anniversaire de Pia approche.
Même les poussettes ont leur petit repose-gobelet pour cafés multiples. A quand sur les déambulateurs ?

samedi 6 décembre 2008

Accident de connexion hier soir, plus d'Internet à l'appartement... Ce matin, réveillée avec l'espoir que les choses se seraient magiquement rétablies au cours de la nuit, j'ai dû ravaler ma déception et affronter cette dure réalité. Je me sens coupée du monde, avec toujours une légère tendance à la dramatisation. J'ai donc emballé mon ordinateur dans trois sacs plastiques pour faire la nique à la pluie et j'ai filé en ville. Après avoir échoué à me connecter à la bibliothèque et chez Blentz Coffee (où la connexion coûte 10 dollars), me voilà chez Starbucks où j'écoute des Christmas Carrols en récupérant sur le net toutes les images dont j'ai besoin pour ma présentation powerpoint de lundi. C'est un peu glauque ici.

mercredi 3 décembre 2008

Un pas de plus, je crois. Ce soir, pour dîner, couteau et fourchette ont disparu, laissant toute latitude aux baguettes. Me voilà passée à un niveau supérieur d'assimilation culturelle... J'ai donc consciencieusement aspiré mes épaisses nouilles japonaises une à une – seule technique à peu près efficace – non sans projeter de la sauce soja de tous côtés, mais en essayant de faire en sorte que Lily ne remarque pas trop ma maladresse crasseuse. Heureusement pour moi, rentrée tard du cinéma, j'étais seule à la table du salon.

Durant la pause déjeuner à l'école – préfiguration peut-être du dîner qui m'attendait – l'ambiance était déjà très japonaise. Plus encore que d'habitude, pour être tout à fait juste. Nous avons regardé des combats de sumo sur l'ordinateur de Kohei. Avec commentaires et explications nourries. Eray s'est ensuite engouffré dans la thématique des traditions étranges venues d'ailleurs en nous connectant notamment sur le remake turc de E.T. Puis le remake turc de Spiderman. Puis le remake turc de Star Trek. Tout cela a bien plu à Kohei. Et moi, à la sortie des cours, j'ai filé acheter du thé avec Masako.

lundi 1 décembre 2008

Rectificatif

7 Japonais
2 Coréens
1 Turc
1 Française

Et dans les toilettes des filles, haut lieu de sociabilité s'il en est, j'ai fait la connaissance d'une Polonaise. La première chose que l'on dit ici à toute personne visiblement non-asiatique est : "Are you from Brazil ?" L'Europe est trop loin, on n'y pense même pas. Par contre, il y a effectivement une proportion intéressante d'étudiants brésiliens. Je n'ai pas vraiment réussi à comprendre pourquoi. Investigation à venir.