mercredi 29 avril 2009

Bits and pieces
















Et si vous allez vous promener par ici, vous trouverez d'autres photos... un peu moins calmes et paisibles. C'est l'autre Vancouver.

vendredi 24 avril 2009

Welcome to China

Il fallait bien que ça m'arrive... Après quatre mois japonais, me voici en Chine. Le jeudi soir, plus exactement, durant trois heures. Lorsque je suis entrée dans la salle de cours la semaine dernière, j'étais l'une des premières à prendre place. Je me suis installée, j'ai sorti mes affaires. Et puis j'ai commencé à regarder les gens qui entraient. Un Chinois, une Chinoise, une Japonaise, deux Chinoises, deux Chinois, un Chinois, un pas Chinois (Croate je crois), une Mexicaine, trois Chinoises... le nombre est ici approximatif, mais l'idée est claire. Nous sommes environ vingt-cinq, et donc trois intrus dans le lot. Au moins, ces derniers mois, mes amis Japonais étaient-ils forcés de parler anglais durant les heures de cours, l'école imposait une politique du "English only" dont je perçois maintenant toute l'utilité. Car le jeudi soir, au début du cours, durant la pause ou à la fin, pas un mot d'anglais n'est prononcé. Autant dire que je me sens légèrement hors de place dans ce brouhaha qui m'est totalement incompréhensible. Hier soir, je me suis assise à côté d'une minette aux cheveux teints en roux, la mini-jupe de rigueur, le nez plongé dans son cahier. Lorsque j'ai tiré la chaise pour m'installer, elle m'a regardée avec de grands yeux écarquillés, comme si je m'apprêtais à la frapper. Puis elle s'est décalée sur le côté pour être plus loin de moi. J'avoue que ça m'a fait un choc. Là encore, pas de communication possible. Durant les trois heures de cours, la prof nous pose des séries de questions, nous demande de lire une définition, sollicite notre opinion, des bribes d'analyse des situations exposées. Nous sommes deux à répondre. Au bout de deux heures, désespérée par l'ambiance et franchement mal à l'aise, j'ai décidé d'arrêter ; l'autre aussi. Puis la prof s'est brutalement arrêtée : "D'accord, il est où le problème ? On a du temps, nous allons en parler." Personne n'a répondu. Tous ont gardé les yeux baissés. Puis ç'a été la fin du cours, et le brouhaha en chinois a repris.

mercredi 22 avril 2009

Go Canucks, go !

Le timing est parfait, semble-t-il. Au moment où je réintègre psychologiquement ma réalité canadienne, voilà que la ville entre dans une phase de frénésie étonnante. La raison ? Le hockey sur glace, évidemment. What else ? Tout Vancouver tremble et sue et se bat avec les Canucks, véritables héros populaires, icônes indéboulonables de la psyché locale. Mais j'avoue, je n'ai pas vraiment saisi ce qui se passait exactement... Toujours est-il que nos amis en bleu et blanc semblent gagner tous leurs matchs ces temps-ci. Selon Anne, qui tient ses informations de source plutôt sûre, l'équipe victorieuse est celle qui aura remporté le plus grand nombre de confrontations. Et donc les choses semblent se passer plutôt bien ici.



Il y a deux semaines environ, Anne et moi avons été regarder un match dans l'un des pubs du centre-ville. Accoudées au bar, bien sûr nous avons passé plus de temps à papoter qu'à réellement regarder les écrans au-dessus de nous. Mais plusieurs événements nous ont néanmoins fait nous interroger : c'est qu'ils passent leur temps à se taper sur la figure, ces gars-là... Et le plus étrange est que généralement l'arbitre se tient juste à côté et les regarde faire tranquillement. Au bout d'un moment tout de même j'ai fait signe au barman et je lui ai demandé quelques explications sur ce phénomène étrange... C'est ainsi que nous avons appris que les bagarres sont tout à fait autorisées sur la glace, avec quelques règles – il y a quand même des limites, en dépit des apparences, ouf. « C'est ça qui est drôle », m'a dit le grand type derrière le comptoir, « ça pimente un peu le match ! » Pour résumer, les bagarres sont donc institutionnalisées, elles font même partie d'une certaine stratégie de déstabilisation de l'adversaire (on s'en serait douté), à condition que les messieurs impliqués jettent leur crosse au loin et se défassent de leurs gants avant de se cogner dessus. Et la chose dure jusqu'à ce que l'un d'eux tombe. Car on ne frappe pas un homme à terre, code de l'honneur oblige.



La semaine dernière, j'écoutais la radio. Des élections sont à venir au mois de mai en Colombie Britannique et tous les journalistes qui suivent la campagne se désespèrent de constater que les citoyens se sentent bien plus préoccupés par le hockey que par la politique. Tout le monde s'en fiche. Mais comment combattre cela lorsque même les bus affichent « Go Canucks, Go ! » là où figure normalement le numéro de la ligne et la destination, lorsque les voitures, les camions arborent des drapeaux Canucks, lorsque les bars s'y mettent également... Dans la rue, je ne compte plus les fans arborant les t-shirts – filles comprises – et mon prof de maths lundi a commencé son cours, le tout premier, en récapitulant les scores. Hier soir, en cours d'économie, certains avaient leur ordinateur portable connecté sur le match, d'autres suivaient les scores sur leur téléphone, et d'autres encore se sont carrément éclipsés périodiquement pour aller jeter un œil sur les écrans du pub du campus.
Bref, je me sens un peu dépassée. Et de plus, comme le résume très bien Anne avec beaucoup de philosophie : ils ne sont même pas beaux.

vendredi 17 avril 2009

Mais parfois, le temps s'arrête

Le temps file, le temps galope... Déjà de retour depuis trois semaines et je voudrais écrire tellement plus sur l'Argentine. Mais le décalage se fait de plus en plus étrange, entre ma vie ici et mes envies d'écriture qui me rattachent encore à Buenos Aires – et surtout Cordoba.


Un souvenir néanmoins n'a rien perdu de sa force, et je doute qu'il se fane un jour : la seconde où j'ai poussé la lourde porte de l'église jésuite qui jouxte l'université... Je n'arrive pas à me défaire de cette réaction incontrôlable qui me fait parfois fondre en larmes face à trop de beauté. C'est une chose rare, la première fois ce fut lors de la projection d'un film de Cocteau au Grand Théâtre de Bordeaux, puis il y eut la Traviata, les suites pour violoncelle de Bach, la lecture de L'Amour des Maytree d'Annie Dillard l'année dernière. Et l'église de Cordoba. Je ne peux l'expliquer. Ce fut immédiat. Quel phénomène étrange : y repenser simplement pour l'écrire me fait revenir les larmes aux yeux. Je ne saurais dire ce qui m'a ainsi bouleversée, est-ce l'espace immense dénué de colonnes, les plafonds en bois peint et orné de volutes délicates, l'immense autel aux statues si humaines et expressives ? Trouver une explication rationnelle me paraît futile, inutile, hors de propos. L'heure que j'ai passée ainsi, à contempler les moindres détails, à laisser toutes les émotions s'échapper librement de moi, cette heure à elle seule aurait donné toutes ses raisons d'être à mon voyage... Elle ne fut pas seule heureusement, loin de là, mais elle prend une place toute particulière, comme hors du temps, une réconciliation avec la possibilité de la beauté absolue du monde.



Et pourtant, tant de souffrances sont nées de la construction de cette église, je le sais. Elle fut conçue par un Français, non pas un religieux, non pas un architecte, mais un armateur. Que faisait-il à Cordoba, personne ne le sait. La voûte et le dôme sont en bois massif, comme toutes les décorations qui ornent l'église, le pupitre, l'autel, les statues. Mais il n'y a pas de bois aux environs de la ville. Il n'y en a jamais eu. Les Jésuites sont allés chercher les troncs dans les forêts de la région d'Iguazu, à des centaines de kilomètres de là. Le bois descendit par la rivière jusqu'à Santa Fe, puis fut transporté à dos de mules pour rejoindre le chantier. Des esclaves venus d'Afrique étaient chargés du gros œuvre, tandis que tous les ornements intérieurs, retables, peintures, statues furent réalisés dans les missions au Nord par les Indiens guaranis avant de venir prendre leur place. Et comme souvent en Amérique latine, ils mélangèrent leurs propres croyances à la représentation des scènes chrétiennes qui leur étaient commandées. Dans une petite chapelle sur le côté se trouve la statue d'une Marie-Madeleine à la peau rose, aux lèvres entrouvertes, les yeux brillants, elle tend une main délicate vers celui qui la regarde. Elle est d'une intensité humaine rare. J'ai eu bien du mal à m'arracher à sa contemplation.
Et sur ce, Argentine, fin.

mardi 7 avril 2009

L'incident du maté

Bien avant de partir, ça me démangeait... Probablement la nostalgie de mon grand plateau de thés abandonné à Paris... J'aime toutes ces saveurs – et écrire ces simples mots me donne envie d'aller faire un tour à Chinatown dès demain pour refaire le plein de Lapsang Souchong ou de thé au jasmin. Ah, mes théières me manquent !
Dès avant mon départ pour Buenos Aires, je rêvai donc au maté. A peine arrivée au Gecko Hostel, toute dégoulinante de pluie, j'ai bien sûr remarqué sur le comptoir de la réception la bouteille Thermos et la gourde qui la jouxtait. Le mythe était bien réel. Partout, dans la rue, accroupis sur les marches des immeubles, dans les boutiques, discrètement installés dans un coin, tout le monde sirote son maté.
Le dimanche à San Telmo j'ai recroisé Juliette et Benoît sur le marché. En milieu d'après-midi, l'estomac creux, nous sommes partis déjeuner dans l'une des petites rues ombragées et calmes qui jouxtait ce quartier surpeuplé. Après nos salades respectives nous a pris l'envie de goûter enfin à la chose... Première fois pour chacun d'entre nous. Et nous avons frôlé l'incident diplomatique. Le propriétaire de la boutique-restaurant était un homme à l'affabilité antique, soucieux à l'extrême du bien-être de ses clients, délicat et prévenant. Mais le pauvre n'avait pas anticipé notre ignorance absolue... Nous commandons donc notre maté, un pour trois. Il nous apporte bientôt la Thermos et la gourde emplie de l'herbe. A côté, il pose la bombilla. Puis s'esquive à pas légers. Nous nous regardons, ne sachant pas trop comment procéder. Alors nous versons l'eau dans la gourde. Puis, question bête : et maintenant, on plonge la bombilla dans la mixture ? Ce fut ce moment-là que choisit notre hôte pour revenir s'assurer que tout allait bien. Son regard se figea sur le maté. Diable. Qu'avions-nous fait ?


Les yeux de notre homme s'emplirent alors d'un mélange de tristesse et d'anxiété tout à fait étonnant. En bafouillant un peu, nous lui expliquâmes que c'était notre première fois, tout penauds. En s'excusant mille fois, il nous reprit la gourde avec délicatesse et disparut. Instant étrange, trois Français échangeant des regards inquiets et ne sachant plus trop quoi faire. Cinq minutes plus tard, il reparut. Une nouvelle gourde en main. A mots mesurés, un sourire discret revenu sur ses lèvres, il nous montra comment procéder : obstruer l'ouverture de la gourde de la main et secouer plusieurs fois, de manière à créer un espace sur l'un des côtés pour y plonger ensuite la bombilla. Redresser la calebasse, puis verser l'eau en la faisant ruisseler sur la bombilla et non pas sur l'herbe directement. Enfin, goûter. Les premières gorgées furent âpres, étrangement envoûtantes aussi. Promesses de nouvelles saveurs auxquelles s'habituer peu à peu.
Bien sûr, comme tous ceux qui reviennent d'Argentine, j'ai ramené ma propre petite calebasse, cadeau délicat de mes amis pour mon anniversaire. Elle n'a pas encore servi... J'attends d'être enfin installée dans mon nouveau chez-moi le mois prochain pour l'étrenner. Du maté argentin siroté sur mon lit en regardant la montagne par la fenêtre, que rêver de mieux ?