lundi 5 janvier 2009

Après plus de dix jours d'interruption, j'ai retrouvé mon quotidien asiatique. Et je me rends compte, en comparant avec l'atmosphère de ces jours derniers, à quel point cela m'est difficile. En cours, je ne peux me défaire de l'impression qu'une barrière invisible nous sépare ; c'est une idée que je n'aime pas, qui me révolte profondément (pour cette raison probablement, je n'ai pas réussi à en parler plus tôt), et dont je fais pourtant l'expérience au quotidien. Est-ce la barrière de la langue ? Ou des codes culturels différents, que je ne sais pas interpréter ? Ou peut-être encore le fait que je suis numériquement isolée face à eux, qui forment groupe ? J'ai beaucoup de mal à mener une conversation véritable, comme s'il y avait constamment un mur entre nous. Je n'arrive pas à savoir ce qu'ils pensent vraiment, si je dois continuer à les questionner pour créer ce contact, ou si ce faisant je les perturbe, je les dérange. A la surface, tout est souriant et gai. C'est en profondeur que la différence se fait sentir. Au moins, certes, n'y a-t-il pas d'affrontement véritable, ni de dissensions, ni de frictions d'aucune sorte. Je baigne dans l'agréable, le léger, le futile. Mes questions, mes paroles sont toujours accueillies d'un grand sourire et hochement de tête vigoureux.
Pour la toute première fois de ma vie, en somme, j'ai le sentiment d'être face à un écart culturel abyssal, que je ne sais comment combler. Comme si toutes les bases de ma pensée ne pouvaient être comprises par eux, et que je ne pouvais saisir les leurs. Nos univers de référence me semblent incompatibles.

Longue conversation avec Yuko à ce sujet, ce soir, dans les gros canapés du salon. Parler avec elle m'est devenu totalement naturel, peut-être précisément parce qu'elle-même se sent différente des autres Japonais. Elle l'est, c'est une évidence absolue. Je connais ses opinions, ses sentiments. Elle cherche à s'exprimer de toutes les manières possibles. Elle est en quête de contact et d'échange. En parlant tout à l'heure, nous sommes parvenues à l'idée que ce gouffre dont je fais aujourd'hui l'expérience vient de l'opposition entre deux conceptions de la personne. Pour nous en Europe, comme en Amérique du Nord, l'accent est mis sur la personnalité individuelle. Au Japon, la communauté prime sur l'individu, on attend de celui-ci qu'il s'efface pour se mettre au service du groupe. Je sais bien que c'est un constat que l'on lit partout dans les journaux, un fait communément admis, un cliché presque ; je repense en écrivant ceci aux images que j'ai vues, aux lignes que j'ai lues ; mais cela n'enlève rien au choc de la réalité telle que je la vis ici – alors que je ne suis pourtant qu'au Canada (j'ai parfois tendance à l'oublier...). Sur le plan du nombre, je suis certes face à un groupe, mais c'est un groupe culturellement et psychologiquement constitué. Et je ne sais comment l'aborder, dialoguer avec, le dépasser. Yuko pour le moment me semble être un bon médiateur... mais il me faudra plus.

Mon lundi cependant m'a appris autre chose : le Vancouverois vraiment totalement canadien existe. Et parfois, il danse la salsa. Premier cours aujourd'hui. Mais c'est une autre histoire.

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